
30
décembre:
Ultracrépidarianisme

Comme
toujours,
la fin d’année est l’heure des bilans.
Bilan politique, bilan social, bilan
sportif, liste
des morts de l’année, etc. A quoi il
faut ajouter, en cette année
particulière, le bilan de l’épidémie,
et, pour ce qui nous concerne, la
liste des mots qui ont fait florès.
Libération leur a consacré, à la veille de Noël,
une double page avec en énormes
caractères WOKE et NFT,
plus iel (j’en ai déjà parlé
ici), WhereisPengShuai (j’en ai
également parlé), #metooInceste, Squid Game, Métavers, Pandora
papers, CBD, Pegasus et Spacex. Ils auraient pu y
ajouter grand remplacement, déclinisme ou antivax, mais personne
n’est exhaustif.
Aujourd’hui,
le
journal Sud-Ouest cite blob
(si vous ne connaissez pas cet unicellulaire de
myxomycète de l'ordre des Physarales,
cherchez dans votre encyclopédie
préférée), wokisme et consentement
(sexuel). Mais
j’avoue préférer le choix du journal
belge Le Soir qui a
sélectionné ultracrépidarianisme. Vous ne connaissez pas ? Mais
oui. Souvenez-vous de l’expression
latine, Sutor, ne supra crepidam,
« cordonnier, pas au-dessus de la
chaussure ». L’ ultracrépidarianisme est donc
le fait de parler de choses qu’on ne
connaît, et correspond bien à
l’expression française « Chacun
son métier et les vaches seront bien
gardées ».
Vous avez sûrement
dans votre environnement des ultracrépidarianistes. Il suffit de lancer dans une
conversation les mots vaccin ou pandémie et vous verrez…
Allez, à l'an
prochain.

21
décembre:
Notes
sénégalaise
(2)
Après la gastronomie française, la cuisine
traditionnelle mexicaine, le régime
méditerranéen, la washoku (menu du
nouvel an japonais), le dolma (ou
feuille de vigne), la pizza
napolitaine, le vin de Géorgie ou la
bière belge, un plat sénégalais, le tiébou
diène (nous reviendrons sur la
façon de l’écrire) vient d’être
déclaré patrimoine mondial de
l’UNESCO. Il s’agit de darne de
poisson préparé avec des brisures de riz, de
l’oignon, du piment, des tomates, du
chou, du poisson séché et des
mollusques… Et la presse sénégalaise
en fait ses titres. Selon
l’ambassadeur du Sénégal à l’UNESCO,
ce plat est un outil de rayonnement
diplomatique du pays. Après
l’ambassadeur c’est le lendemain le
ministre de la culture qui est
interrogé : « ce plat se
confond avec l’identité du
pays », même s’il a été imposé au départ par le
colonisateur note le journaliste.
Revenons à l’ambassadeur. Il raconte
que la bataille a été rude à l’UNESCO,
car des pays voisins voulaient
s’approprier ce plat, sous d’autres
noms, ou exigeaient que le plat soit
déclaré comme « art culinaire au Sénégal » et non pas
« du Sénégal ».
Ce qu’il a refusé, expliquant par
ailleurs qu’il a tenu au nom wolof et
à sa graphie officielle ceebu jën. Des pays anglophones (oh les
vilains) auraient tenté de
s’approprier le plat sous le nom de jolof
rice…Or, explique-t-il, ce plat
a été inventé par les femmes de
Saint-Louis du Sénégal, puis s’est
répandu dans tout le pays. Le
troisième jour un écrivain, après
avoir expliqué comment les femmes de
Saint-Louis préparent ce plat
national, avec différents poissons
tous plus frais et plus délicieux les
uns que les autres, rappelle qu’à
l’origine il se faisait avec du riz
importé du Siam, importé par les
colons. Tiens donc ! Et certains
racontent que la femme qui aurait
inventé le plat travaillait chez une
famille coloniale de Saint-Louis. Mais
qu’importe. L’un des articles se
termine ainsi : « Cela c’est
la réalité. En effet, le Ceebu jën
n’est ni le Jolof rice ni un plat
anglophone. Il est absolument
Saint-Louisien ! C’est un art
culinaire inaliénable qui appartient
exclusivement au Sénégal et à la
teraanga sénégalaise offerte à toutes
les nations ».
Je n’ai bien entendu aucun moyen de trancher
entre toutes ces versions. Je sais par
exemple, comme beaucoup de gens, que
les couscous, qu’on considère comme un
plat « arabe » est en fait
berbère. Mais pour le ceebu jën, allez
savoir. Ce qui m’intéresse en
revanche, c’est la façon dont on se
construit une identité, et nous
pourrions y consacrer des centaines de
pages.
En France, et grâce à Astérix, nous avons la
chance de pouvoir sans contestation
possible affirmer que la sanglier est
un fleuron de notre identité. Que
personne n’en doute.
Et la potion magique ? Ah oui, la potion
magique. Il faudrait interroger le
druide, mais je n’arrive pas à le
contacter.

20
décembre:
Notes
sénégalaise
(1)
Je
viens
de passer quelques jours au Sénégal,
où doivent se tenir en janvier des
élections locales qui s’annoncent
houleuses. Or je tombe, dans la presse
locale sur un article intitulé Au cœur du dopage des
politiciens. Tiens donc !
On y explique en ouverture qu’ils
« se dopent pour tenir le
rythme »et demande « comment
arrivent-ils à tenir ? »
Je
rentre
donc dans le texte :
« L’un
déclare
« je prends chaque matin, après
le petit déjeuner, un comprimé de
Berocca » (un complément
alimentaire, plein de vitamines B et C
et de magnésium)
« Un
autre :
« du citron, du miel, du jus de
bouye chauffé sous forme de
tisane »
Le
président,
Wade, selon un proche, fait une sieste
d’une heure et demi à deux heures et
prend « quelques
complément », en particulier
jusqu’à 8 pastilles pour la voix par
jour.
C’est
tout ?
C’est du dopage ça? J’avoue être
un peu déçu. On sait que le Sénégal
est l’un des plaques tournantes du
trafic de différentes drogues, et les
politiciens ne trouvent pour se doper
que du Berocca, du jus bouye ( du pain
de singe, fruit du baobab), la
sieste ou des pastilles pour la
voix? Ils manquent vraiment
d’imagination ! Ou alors, faut-il
lire entre les lignes qu’ils prennent
autre chose ? Qu’ils se dopent
vraiment ? Mais à quoi ?
C’est
vrai,
en voyant le titre de l’article je
pensais trouver des idées à soumettre
aux politiciens français. En vain.
Pourtant il y en a plusieurs qui
devraient doper leur imagination.
Bon,
demain
vous aurez d’autres notes sénégalaise…

13
décembre:
Ordre ou
progrès
On n’est jamais mieux servi que par soi-même
et, quand on appartient au
gouvernement brésilien, jamais mieux
protégé que par un évangéliste. La
graine de dictateur, Bolsonaro, vient
de nommer à la cour suprême le juge
André Mendoça. Pasteur presbytérien
ultra conservateur, ce dernier a
déclaré « mon élection a été
déterminée par Dieu ». Dieu
a bon dos ! Ce qui est sûr c’est
qu’il ne sera guère favorable à tout
ce qui irait dans le sens du droit des
minorités, des libertés, de la
limitation du port d’armes, et qu’il
fermera sans doute les yeux sur ce qui
pourrait gêner Bolsonaro. A commencer
par la corruption.
On sait que la devise du pays est ordem e
progreso, « ordre et
progrès ». Mais il fut l’entendre ordem
ou progreso, « ordre ou
progrès », et il est clair que le
progrès passe en second position.
Ceci dit, je vais prendre quelques jours de
vacances. Profitez-en pour lire mon
livre, Enquête sur le signe, du
roman policier à la police de la
langue en passant par
l’interprétation du signe
linguistique, qui est désormais
en librairie.

8
décembre:
Vaccination et
discours
politiquement
correct
Il suffit d’écouter un peu la radio ou de feuilleter la presse pour le
savoir : les hôpitaux français
sont au bord de l’implosion et
certains ont activé le « plan
blanc ». Ce plan est destiné à
gérer dans une situation d’urgence
(attentats, épidémie, risque
nucléaire…) la prise en charge de
victimes plus nombreuses que
d’habitude. Et il implique que l’on
repousse à plus tard l’accueil de
malades considérés comme moins prioritaires.
Concrètement, cela signifie
actuellement que, pour faire place aux
nombreux malades du covid, on repousse
des opérations de cancéreux par
exemple, dont le cancer peut du coup
s’aggraver, ou de cardiaques…
Les hôpitaux sont donc aujourd’hui saturés par des gens malades du covid,
et 76% des gens entrant en
réanimation ne sont pas vaccinés. On
sait que certains pays européens
(l’Autriche, l’Allemagne, la Grèce)
ont déjà décidé de rendre la
vaccination obligatoire, et il est
probable que d’autres suivront. Mais
qui sont ces non vaccinés ? Il y
aurait parmi eux entre 2 et 4%
d’antivax résolus et pour le reste ,
la majorité donc, des gens qui
avancent des arguments foireux (nous
n’avons pas assez de recul, nous
attendons pour juger, nous sommes en
bonne santé…) ou qui sont isolés, et
ne peuvent pas se déplacer, etc. Ce
qui est sûr c’est que, dans leur
ensemble, les non vaccinés sont
responsables de la situation des
hôpitaux.
Face à cela, le discours politique et médical est toujours le même :
il faut convaincre les gens, surtout
pas les forcer, ne pas non plus créer
une opposition dans la population
entre vaccinés et non vaccinés…
Discours mesuré, raisonnable sans
doute, mais surtout discours
politiquement correct : les
responsables politiques et médicaux ne
peuvent pas en tenir un autre. Mais y
croient-ils ?
Il se trouve que j’ai discuté ces dernières semaines avec deux médecins,
non pas dans leur cabinet mais en
situation que l’on pourrait dire non
professionnelle et, séparément, ils
m’ont dit à peu près la même chose.
D’abord qu’ils ne pouvaient accepter
que des professionnels de santé
refusent de se faire vacciner :
« leur métier est de soigner, pas
de transmettre le virus ». Mais
surtout, ils tenaient sur la
population refusant la vaccination des
propos très durs, que je résumerai en
deux phrases :
« S’ils veulent mourir, qu’ils meurent », et « s’ils ne
veulent pas se faire vacciner, il n’y
a aucune raison pour que la sécurité
sociale les prennent en charge s’ils
attrapent le covid. C’est à eux de
payer tous les frais ». Bien sûr,
ils ne peuvent pas tenir ces propos
devant leurs patients, pas plus que
des ministres ou des spécialistes en
épidémiologie ne pourraient les tenir
à la télévision. Mais je suis persuadé
qu’ils pensent tous la même chose et
qu’il leur est difficile de
l’exprimer. J’ai d’ailleurs entendu il
y a deux jours à la télévision un
médecin urgentiste parler de l’égoïsme
des non vaccinés.
Le problème est que si les chiffres continuaient d’évoluer dans le même
sens, et si le gouvernement était
amené à prendre des décisions
drastiques (confinement, fermeture des
restaurants ou des lieux culturels…),
les vaccinés pourraient reprocher aux
non vaccinés d’en être responsable. Ce
qui ne serait d’ailleurs pas faux.
Mais je n’ose imaginer sur quelles
violences pourraient déboucher cette
situation. De ce point de vue, le
discours politiquement correct
fonctionne comme un emplâtre sur une
jambe de bois.

6
décembre:
Miettes
sémiologiques...
J’ai
jeté un coup d’œil hier sur le meeting
de Zemmour à Villepinte, histoire
d’avoir une idée du spectacle. Voici
donc quelques miettes sémiologiques.
Derrière lui, une trentaine de jeunes
des deux sexes, devant lui dix à douze
mille personnes, essentiellement de
sexe masculin : la parité était
très relative. Les gens derrière lui
semblaient diriger les réactions de la
salle : ils se levaient, la salle
se levait, ils agitaient des drapeaux
tricolores, la salle agitait des
drapeaux tricolore. Je précise que les
images sur lesquelles je me fonde
étaient fournies par l’organisation
zemmouriste. D’autres images, plus ou
moins « clandestines » nous
ont montré plus tard des échauffourées
au fond de la salle, des infiltrés
antiracistes ou certains journalistes
violentés.
Pendant
le peu de temps que j’ai passé devant
ce meeting, Zemmour a annoncé qu’il
voulait « interdire l’écriture
inclusive », ce qui est aussi con
que de vouloir l’imposer. Et cette
volonté de légiférer sur la langue semble donc être
partagée par l’extrême droite et par
certain.e.s militant.e.s se réclamant
plutôt de l’extrême gauche. Tirez-en
les conclusions que vous voudrez.
J’ai
aussi appris que son mouvement (son
parti ?) avait été baptisé reconquête,
évidente allusion à la reconquista espagnole, la reconquête par les
chrétiens des territoires occupés par
les musulmans. Nous n’aurons donc pas
d’Alcazar, comme à Séville,
d’Alhambra, comme à Grenade…. Autre
petite notation sémiologique, un logo
présentant un rameau d’olivier placé
entre le nom Eric Zemmour et la date
2022. Que vient faire là ce rameau ? Symbole de
paix ? Sans doute pas. Référence
à Bonaparte ? Peut-être. Au
costume des académiciens ?
Bof ! En fait ce serait plutôt la
traduction d’un ego surdimentionné. On
sait que de nombreux juifs d’Afrique
du Nord portent des noms arabes ou
berbères, et Zemmour vient d’un mot
berbère, azemmour, qui
signifie « olivier ». Ce
rameau symboliserait donc tout
simplement Zemmour lui-même. Il y a là
de quoi couper l’appétit de ceux qui,
comme moi, considèrent que la seule
huile digne de ce nom est l’huile
d’olive…
On a revu, comme dans la vidéo de déclaration de sa candidature, des
photos de Barbara, Brassens, Aznavour
ou Hallyday, sans que les ayant-droits
aient été consulté (mais je sais
qu’Universal doit les représenter pour
une éventuelle action en justice). Pour
le reste, rien de très neuf dans les
images, la même évocation d’une France
« d’avant », d’une France au
cinéma en noir et blanc, de la France
de de Gaulle, du Concorde, de Gabin,
voire de Jeanne d’Arc.
A propos de Jeanne d’Arc, justement : Si Zemmour l’ apprécie tant,
serait-ce parce qu’elle était une
femme au foyer ? Je sais, mon jeu
de mots est nul. Mais on a vu Zemmour
à Marseille faire un doigt
d’honneur : alors, à
vulgarité vulgarité et demie.

2
décembre:
Adieu Xavier
je t'aimais
bien...
Il
y a donc deux droites
irréconciliables, si l’on en juge sur
le choix des adhérents du PR. D’une
part Eric Ciotti qui, s’il ne remporte
pas, comme c’est probable, le second
tour de cette primaire, apportera sans
doute son soutien à un autre Eric, et
d’autre part Valérie Pécresse,
politiquement entre Nicolas Sarkozy et
la poupée Barbie. Mais cette petite
méchanceté qu’on pourrait croire
machiste ne doit pas nous faire
oublier que son nom rime avec ogresse,
agresse, vengeresse, chasseresse, etc.
C’est donc elle qui sera sans doute
présente au premier tour de l’élection
présidentielle.
Je
ne suis pas politologue et suis
incapable de dire si cette percée de
Ciotti préfigure une prochaine cassure
dans ce parti qui se dit gaulliste, et
je ne lis pas dans le marc de café et
suis tout aussi incapable de dire si
Pécresse parviendra au second tour de
l’élection présidentielle. Mais je
dois dire que je regrette Xavier
Bertrand. Adieu Xavier je t’aimais
bien. Pour de mauvaises raisons en
fait, très
personnelles et très égoïstes. J’ai
depuis quelques semaines l’idée de
faire, pendant la campagne électorale,
le portrait des différents candidat et
je me pourléchais par avance les
babines en pensant à celui que
j’aurais pu faire de Bertrand. Avec
son onctuosité de prélat, le discours
d’un promoteur immobilier qui
chercherait à vous vendre un
appartement sans vous le faire visiter
et parfois sa tendance à jouer les
gros bras (« je suis le seul à
pouvoir battre Macron »), il
avait tout pour me plaire. Bon, il
faut s’y résigner. L’avenir nous dira
s’il était vraiment le seul à pouvoir
battre Macron, ce qui est sûr c’est
que nous ne saurons jamais s’il
l’aurait vraiment pu. Et que je me
passerai du plaisir de faire de lui un
portrait plus fourni.
30
novembre:
Misère de
l'université
ou mépris pour
les
universitaires?

Vendredi
dernier,
j’avais un jury de thèse à Rouen et
les liaisons ferroviaires entre
Aix-en-Provence et Rouen via Paris
étant ce qu’elles sont j’ai dû y
passer deux nuits. Une collègue
sénégalaise, venant de Strasbourg, était
dans la même situation. J’arrive donc
à Rouen vers 21 heures et me dirige
vers l’hôtel qu’on m’avait indiqué. Il
s’agissait d’un établissement d’une
étoile (je ne savais pas que cette
catégorie existait encore). Je demande
à la réception une bouteille d’eau
pour la nuit, on me répond qu’il n’y
en a pas. Je demande à quelle heure on
commence à servir le petit déjeuner,
on me dit qu’il n’y a pas de petit
déjeuner. Quant à la chambre, nouvelle
surprise : pratiquement pas de
chauffage (et il faisait froid cette
nuit-là à Rouen) et un lit aux
dimensions réduites.
Au
réveil je téléphone à ma collègue
sénégalaise qui me dit en substance
« Ah nous sommes dans le même
hôtel ! Je suis contente, je
craignais qu’on m’ait mise ici parce
que j’étais noire ». La
honte ! Elle m’a reçu de façon
très confortable dans son pays et elle
avait pu imaginer que dans le mien on
puisse traiter différemment les Blancs
et les Noirs ! J’ai souvent noté
que les universitaires français
invités à l’étranger et reçus de façon
chaleureuse étaient très occupés
lorsque leurs homologues venaient en
France et n’avaient pas le temps de
les voir. Mais là il s’agissait de
l’administration d’une grande
université, qui considérait qu’une
chambre à 46 euros la nuit suffisait
pour ses invités. J’ai bien sûr poussé
un coup de gueule, nos collègues
rouennais, désolés bien sûr, ont
réussi, non sans mal, à nous faire transférer
pour la seconde nuit dans un
établissement convenable, avec
chauffage et petit déjeuner, mais
cette anecdote pose quelques
problèmes. L’université de Rouen
est-elle ruinée ? Son
administration est-elle appelée à
faire des économies ?
Touche-t-elle des primes pour
cela ? Ou professe-t-elle un
grand mépris pour ceux qu’elle invite
à siéger dans un jury de thèse ?
En
résumé, misère de l’université ou
grand mépris pour les
universitaires ?
28
novembre: Peng
Shuai et VPN

Un correspondant chinois ayant lu mon billet du 20 novembre
m’écrit :
« Je viens de lire ton article du 20 novembre. Félicitations
pour ton nouveau livre! Cet extrait du
livre est très intéressant. Les livres
sont déjà imprimés? J'ai vu une
petite erreur: "陆 肆, dont le premier est la forme classique pour « six » et le second
se prononce comme 日,
« quatre »" , en fait, le second se
prononce comme 四,mais pas 日 ».
J’espère que les sinologues me pardonneront ce lapsus calami.
Je supposais que « l’affaire Peng Shuai » devait être
soigneusement occultée en Chine. Et
mon correspond confirme mon intuition
en poursuivant :
« Grâce à toi, je suis informé sur l'affaire de Peng Shuai et
j'ai cherché sur Google après, avec un
VPN, bien sûr ».
Pour ceux qui l’ignorent, les VPN (Virtual Private Network) sont
des applications qui permettent de
contourner la censure en Chine. Mais
pour avoir l’idée de chercher
clandestinement sur Google Peng Shuai,
il faut savoir qu’il y a un problème
Peng Shuai et disposer d’une
application VPN….
Donc
une
affaire chinoise à laquelle les media
du monde entier font largement écho
peut être totalement ignorée en Chine.
C’est beau, la démocratie !
24
novembre: Iel
Le
débat qui s’est déclenché en France
autour du pronom « iel »
(pour ceux qui ne seraient pas au
courant : pronom de troisième
personne du singulier pour ceux qui ne
se sentiraient ni « il » ni
« elle »), que le
dictionnaire Robert vient d’introduire
dans sa version numérique témoigne à
la fois d’une grande futilité et d’une
confusion plus grande encore.
Le
rôle d’un dictionnaire est
d’enregistrer les usages, ce qui le
met parfois en retard par rapport à
eux (ne pas donner un terme dont
l’usage est devenu fréquent) ou en
avance (enregistrer un terme peu
utilisé, quitte à le retirer parfois
ensuite), ce qui ne le protège pas de
certains dangers : céder par
exemple à une pression idéologique, ou
faire un coup publicitaire. J’avais un
jour fait remarquer à Alain Rey que
l’article du Robert définissait le
mariage comme l’union de deux
personnes de sexes différents. Il
avait pâli (nous étions à l’époque du
débat sur le mariage pour tous) et
deux jours après je recevais un mail
me disant que mon édition du
dictionnaire était ancienne : la
définition avait depuis lors changé.
Qu’il le fasse bien, plus ou moins
bien, plus ou moins mal ou mal, le
dictionnaire fait son travail, et le
procès que certains font au Robert n’a
pas lieu d’être. Il s’agit de postures
futiles et sans intérêt.
Le
rôle des politiques, en particuliers
des politiques qui ont en charge
l’éducation nationale, est de faire
leur possible pour que les élèves
apprennent, entre autres choses, à
lire et à écrire. De ce point de vue,
il est sans doute inutile de
compliquer un système orthographique
qui l’est déjà assez. Il leur revient
de faire établir des programmes, de
décider s’il convient d’introduire
telle ou telle réforme (orthographique
ou autre) et de vérifier que les
livres scolaires appliquent ces
réformes. Mais on voit mal pourquoi
ils participeraient à une opération de
critique d’un dictionnaire. Sauf si ce
« buzz » dont ils sont en
partie responsables les arrange :
en faisant monter la sauce autour du
« iel » on ne parle pas de
problèmes sociaux, migratoires ou
environnementaux autrement plus
importants.
Reste
le rôle des linguistes. Et ici les
choses sont plus complexes. Nous avons
vu éclater en France il y a deux ou
trois ans une polémique autour de
l’écriture inclusive qui a parfois
pris des aspects violent. Si la
linguistique est une science, elle
doit respecter des procédures
scientifiques. On sait que les langues
évoluent et que leurs changements sont
lents. On sait aussi que les
politiques linguistiques peuvent
parfois introduire des changements
brusques. Mais il est une question
qu’on pose rarement : est-il
possible de changer la société par la
langue ou bien les changements sociaux
génèrent-ils des changements dans la
langue ? De nombreux exemples
apportent une réponse négative à la
première partie de cette question. La
féminisation des noms de métiers en
français par exemple ne semble pas
avoir entraîné un parité dans les
postes de responsabilité ou une
égalité des salaires. Ou encore les
changements d’appellations de
« Noirs » aux USA n’a guère
mis fin au racisme. La police
américaine continue de traiter
différemment les « Blancs »
et les « Africains
Américains », et le statut social
de ces derniers n’a pas changé :
il ni a eu ni corrélation ni causalité
entre un changement lexical et
changement social, pour la simple
raison qu’il n’y a pas eu, jusqu’à
plus ample information, de changement
social.
Je
ne sais bien entendu pas quel est
l’avenir de « iel ». Mais le
débat continue de courir chez les
linguistes, et il y a chez certains
d’entre eux une sorte de dissonance
cognitive : ils savent que
l’histoire linguistique relève du
temps long, mais ils proposent en même
temps de changer le monde par le biais
de la langue. Comme si,
paradoxalement, la linguistique
n’enseignait rien à ceux qui
l’enseignent.
20
novembre:
Merci Xi
Jinping!
Mon
prochain livre, Enquête sur le signe,
avec pour sous-titre « du
roman
policier à la police de la langue en
passant par l’interprétation du signe
linguistique », sera dans les
librairies au tout début du mois de
décembre. Mais j’en parle avec un peu
d’avance pour des raisons qu’on va
comprendre. Voici tout d’abord un
extrait de mon ouvrage :
« Lorsque
Google est arrivé
en Chine en 2005, son moteur de
recherche eut très vite un grand
succès, mais il se heurta tout aussi
vite aux exigences d’autocensure du
pouvoir chinois : en bref on lui
demanda de ne pas donner suite à
certaines recherches en lui
fournissant une liste de « mots tabous
». L’entreprise se déplaça à Hong
Kong en 2010 puis, en 2012, décida
d’afficher une annonce chaque fois
qu’un mot recherché était censuré
par le régime. Je
cite
dans mon livre cet exemple :
« We’ve observed that searching for 江in mainland Chinas may temporarly break your connection to
Google. This
interruption is outside Google’s
control. » (« Nous avons observé que
la recherche de 江 peut en Chine continentale
temporairement arrêter votre connexion
à Google. Cette interruption n’est
pas sous le contrôle de Google. »)
Pourquoi
ce caractère, 江,
était-il dangereux pour le régime
chinois ? Il signifie « fleuve » et se
prononce jiang. Et alors ?
Alors Jiang est également un nom de
famille, en particulier celui de江
青 (Jiang
Qing), la dernière femme de Mao Ze
Dong, et celui de 江
泽民 (Jiang
Ze Min). La première, surnommée «
l’impératrice rouge », joua un rôle
central dans la révolution
culturelle, sera condamnée à mort,
peine commuée en prison à vie, et
mourra en1991. Quant à Jiang Ze Min,
après avoir soutenu en 1989 la
répression des manifestations de Tian
An Men, il deviendra président de la
république chinoise (1993- 2003),
puis sera condamné (par la justice
espagnole après les plaintes d’
associations de défense du Tibet)
pour génocide au Tibet et répression
de la secte Falun Gong, mais le mandat
d’interpellation n’aura aucune suite.
Le résultat de ces homonymies était
qu’en cherchant sur Google des
renseignements sur le Yanzi (长
江,
Yanzi Jiang, « long fleuve), la
recherche était bloquée. Et il se
passe la même chose sur les moteurs de
recherche chinois, certains mots
menant à une page blanche. Un bon
exemple est celui de la date de la
répression du 4 juin 1989 à Tian An
Men, liu si, (六 日,
c’est-à-dire six pour le mois de juin
et quatre pour le jour). Les
recherches concernant cette date sont
bloquées, même si on utilise les
caractères classiques, qui ne sont
plus employés en Chine continentale,
et même s’il s’agit d’une simple
homophonie, comme 陆
肆,
dont le premier est la forme classique
pour « six » et le second se prononce
comme 日,
« quatre ». De la même façon, on
n’aboutira à rien en tapant en
chinois « les fleurs de la liberté »,
titre d’une chanson d’un artiste de
Hong Kong régulièrement entonnée
lors de veillées à la mémoire des
victimes lors de manifestations. Tout
cela au nom de réglementations
adoptées en 1997 selon lesquelles
«aucun groupe ou individu ne peut
utiliser Internet pour créer,
répliquer, récupérer ou transmettre
les types d’informations suivantes...
».
Ce
passage ne joue pas un rôle central
dans mon bouquin, il n’est qu’un
exemple parmi d’autres. Mais
l’actualité récente illustre
parfaitement ce que je voulais
signaler. Le 2 novembre dernier une
championne de tennis chinoise, Peng
Shuai a accusé sur le réseau chinois
Weibo l’ancien vice-premier ministre
Zhang Gaoli de l’avoir violée. Son
message a très vite disparu et on n’a
plus aucune nouvelle de la championne,
dont personne ne sait où elle se
trouve. Mieux : si l’on tape sur
l’internet chinois son nom, voire même
le mot tennis, on n’obtient
aucun résultat. Et le fait de mettre
son nom dans un message entraîne la
suspension de votre compte.
J’écris
dans mon livre qu’en Chine «on
n’envoie pas nécessairement les gens
dans des camps, mais on peut chercher
à mettre des barbelés autour de leur
tête ». Et je n’imaginais pas que
les autorités chinoises me donneraient
à ce point raison.
Merci
qui ? Merci Xi Jinping. Et lisez mon livre.
14
novembre: Vive
Brassens!
Pour la dernière fois de l’année je pense, j’ai donné une
conférence sur Brassens, vendredi à
Sète. C’était cette fois-ci dans le
cadre d’une journée « Liberté,
Libertés », et je suis intervenu
sur le thème « Politiquement
correct, cancel culture… Brassens aurait-il pu débuter
aujourd’hui ? ». Et
j’ai
bien sûr écouté mes collègues avec
intérêt. L’un, musicologue, a étudié
dans le détail les tonalités et les
structures harmoniques dans l’œuvre du
Sétois. Tonalités : les deux
tiers de ses chansons sont, par ordre
décroissant, en ré majeur, si mineur,
la majeur, la mineur et do majeur… Les
structurent harmoniques : la ré,
comme dans Gare au Gorille, mi
la ré, anatole…, le tout donnant une
sorte de signature stylistique. Il y a
là le début d’analyses qui pourraient
être productive, par exemple en
croisant ces données avec la
diachronie pour voir par exemple si,
dans le temps, Brassens n’a pas de
chanson en chanson complexifié ses
harmonies.
Un
autre, faisant peut-être du Lacan sans
le savoir, voyait dans un syntagme
comme vous élever au pinacle une
évocation de l’érection (élever)
et du sexe masculin (pine),
évocation multipliée (dans La
religieuse) turlupinent, épines, opinent, ou
encore de la masturbation (branlent
du chef)… Dans
cette chanson, Brassens ne fait pas
(il le faisait pourtant souvent)
ressortir par des coupes syllabiques
ou par le temps fort d’une mesure ces
sens subliminaux. Et l’on peut songer
au maître en la matière, Boby
Lapointe, qui par exemple dans sa
chanson bien nommée Comprend qui
peut, faisait apparaître des
sexes à foison : « Il sait de quoi j'ai envie, Il
n'est pas si bête, il sait que c'est
de son vi- (vit) -goureux corps
d'athlèt' », « Je pose ma
main sur son gros bras que
m'arrive-t-il » (braquemart),
« J'aime
son heu (nœud) reux caractère » c'est comme s'il
avait devi ( deux vits) né c'dont j'ai envie »,
« j'dirais même qu'il a si vi (six
vits) goureux appétit, que je
jurerais parfois qu'il a divi- (dix
vits) qu’il a
divinement fait tout ce qu'il faut
faire », etc.
Bref, en écoutant tout cela je me disais plusieurs choses.
En particulier, que Brassens, un homme
simple, n’aurait sans doute pas
imaginé que quarante ans après sa mort
on puisse se penche sur son œuvre
avec de tels apparats critiques ou de
telles analyses universitaires. En
aurait-il ri ou été content ?
Cela l’aurait-il amusé ou
emmerdé ? Nul ne saurait le dire.
En outre, cette année 2021, centième
anniversaire de sa naissance, a
véritablement été en France une
« année Brassens », et je
m’en réjouis : presse écrite,
radios, télévisions, tous les media
lui ont accordé une énorme place. En
comparaison, on n’a pas parlé en 2013
de Charles Trent (né en 1913), ni en 2016
de Léo Ferré ( né en 1916). Nous verrons en 2029 si le
centenaire de la naissance de Jacques
Brel (1929) sera évoqué, mais cela
souligne le statut très particulier de
Brassens. Tirant à boulets rouges sur
la société
« bien-pensante », sur la
police, la religion, « les gens
qui voient de travers », ceux qui
« n’aiment pas que l’on suive une
autre route qu’eux », homophobe,
parfois misogyne , il aurait en
ces temps de politiquement correct
tout pour déplaire mais échappe à la
vindicte ou au lynchage médiatique. Et
c’est salutaire.
Je
l'ai écrit ici fin octobre, Brassens comme Barthes nous ont légué
les moyens de déconstruire le
prêt-à-penser, une boîte à outils pour
lutter contre la bêtise.
En bref, vive Brassens. Au sens premier de cette
expression : qu’il vive longtemps
encore.

10
novembre:
Lavilliers, un
crooner qui
dynamite

Début 2019, Bernard Lavilliers s’envolait pour Buenos
Aires. Il ne connaissait pas
l’Argentine et partait, comme à son
habitude, le nez au nez, oreilles
ouvertes, comme un grand reporter
musical et politique. Et il rencontra,
encore comme à son habitudes, des gens
de toutes sortes et de tous milieux. A
son retour il m’avait dit avoir mis en
place quelques chansons, avec des
musiciens locaux. Et puis est venue la
pandémie. Impossible de retourner sur
place, d’y poursuivre le travail. Le
disque qu’il vient de sortir, Sous
un soleil énorme, est le
résultat de ces conditions :
travail à distance avec les musiciens
argentins pour certaines chansons,
observation de la France confinée, de
l’islamisme et de la mort de Samuel
Paty, collaboration avec un jeune duo
stéphanois, Terrenoire…
Cela donne un disque pluriel, branché sur le présent, sur
le voyage et revenant aux racines. Les
racines : Saint-Etienne, sa ville
natale, qu’il avait déjà chantée en
1975 (« on n’est pas d’un pays
mais on est d’une ville.. ») et
qu’il évoque à nouveau de façon plus
douce (Je tiens d’elle). Le
présent : Beautiful days (« jamais
élus, toujours choisis, c’est le règle
des petits marquis… »). Et
surtout, en ouverture de l’album, Le
cœur du monde (« on attend
la prochaine, la dernière, la
certaine, la guerre économique, au
fond, c’est pas sérieux, faudra bien
que ça saigne… »). Et puis, en
bonne place, Buenos Aires (Les
porteños sont fatigués, Le
piéton de Buenos Aires). Et,
cerise sur le gâteau et clin d’œil aux
amis, la reprise de Who Killed
Daey Moore ?, une chanson
de Bob Dylan de 1963 (souvent chantée
sur scène, mais qui ne figurera sur un
disque qu’en 1991) relatant la mort
d’un boxeur. C’est la version
française de Graeme Allwright, Qui a
tué Davy Moore ?, qui est
ici reprise avec Izia, Hervé, Gaétan
Roussel et… Eric Cantona.
On ne sait jamais ce qu’il faut admirer le plus chez
Lavilliers : ses musiques, ses
textes, sa présence sur scène, sa
fidélité à des principes politiques au
sens le plus large ? Mais ce qui
frappe surtout sur ce disque, c’est le
décalage entre des thèmes forts,
parfois insupportables et sa voix. Il
chante une violence et une révolte à
peine contenues avec sa voix
-admirable- de quasi crooner. Un
crooner qui interroge, qui critique,
qui dévoile, qui dynamite. On ne
saurait être plus efficace dans la
chanson.

8
novembre:
ATLAS, RECIT,
NAVIRE, LIBAN

Je viens de passer deux jours à Arles, invité par ATLAS,
une association de promotion de la
traduction littéraire qui a créé dans
cette ville le CITL, collège
international des traducteurs
littéraires. Un ensemble complexe, qui
accueille en résidence des traducteurs
professionnels venus du monde entier
et organise divers ateliers. Et,
chaque année depuis trente-huit ans,
ATLAS réunit à Arles les Assises de la
traduction littéraire.
J’y étais donc invité pour donner une conférence, et je
m’attendais à y trouver une sorte de
syndicat de traducteurs, défendant
leurs droits, leurs tarifs… J’avais
tout faux. Plusieurs centaines de
traducteurs littéraires s’y réunissent
pour échanger, s’écouter, écouter des
voix venues d’autres disciplines.
Lorsqu’on est, comme moi, habitué à
des réunions dans lesquelles
s’expriment surtout des linguistes,
l’expérience est très enrichissante.
J’y ai certes retrouvé un linguiste
(Nicolas Tournadre) ou un philosophe
(Patrice Maniglier) mais j’ai surtout
discuté avec des traducteurs parfois
en même temps romanciers, dont
certains s’amusent parfois rient
d’histoires drôles… de traductions.
Agnès Desarthe par exemple m’a raconté
qu’une amie avait reçu un mail d’un
admirateur japonais qui se déclarait
son « plus grand ventilateur au Japon ». Cherchant à écrire un
français châtié, il avait bien sûr
considéré fan comme un
anglicisme et en avait cherché la
bonne traduction…
Mais revenant à ATLAS. Partant de l’idée qu’un traducteur
littéraire traduit non pas une langue
mais une œuvre, non pas le grec ancien
mais L’Illiade par exemple,
l’association ATLAS considère que le
traducteur porte sur les épaules,
comme Atlas portait le monde, je les
cite : « la
voute où sont accrochées les étoiles
-penseurs, poètes, romanciers,
essayistes- qui éclairent depuis des
siècles notre vivre-ensemble et
façonnent nos sociétés». L’association
est
membre du RECIT (Réseau européen des
centres de internationaux des
traducteurs littéraires) et j’ai
entendu lors de ces journées la
présentation d’un projet d’aide aux
migrants traversant la Méditerranée à
l’aide d’un bateau nommé Avenir.
ATLAS, RECIT, j’aime bien ces sigles
qui veulent en même temps faire du
sens, tout comme le jeu sur les
anagrammes, NAVIRE, AVENIR. Et sur la
route du retour, écoutant à la radio
une émission sur la situation au
Liban, je me suis dit que ce pays
n’arriverait décidément pas à faire
son bilan : LIBAN BILAN.
Ca n’a rien à voir avec ce qui précède ? Je sais, mais
il faut bien trouver une chute.

27
octobre:
Brassens
aujourd'hui
Cela
n’a pas pu vous échapper si vous vivez
en France : nous célébrons cette
année le centième anniversaire de la
naissance (et le quarantième de la
mort) de Georges Brassens. Devenu une
idole, il est aujourd’hui adulé,
échappant aux foudres du politiquement
correct, lui qui fut interdit sur les
chaînes nationales pendant longtemps
(il ne devint
« fréquentable » aux yeux de
la censure qu’après La chanson
pour l’Auvergnat). S’il débutait
aujourd’hui, il attirerait sans
doute les foudres des syndicats
de policiers, des religions, des
féministes, des anciens combattants,
des homosexuels… Mais non, il est
désormais intouchable, et c’est
heureux. Enfin, presqu’intouchable.
Une série d’articles publiés par Médiapart avec
pour titre global « Brassens pris
aux mots » en témoigne. Le troisième papier par
exemple («Les
copains
d’abord ou l’abdication
politique ») déclarait
« S’il n’a jamais capitulé avec l’antimilitarisme, celui-ci a
fini par justifier l’inertie passée
comme présente :
l’attentisme sous l’Occupation, puis
le désengagement intégral ». Et
la quatrième, («Misogynie
guère à part, phallocratie
galopante ») poursuivait sur
la même voie bêtasse : «Notre
série s’attaque pour finir à un
sacré travers : la représentation des femmes véhiculée par les chansons de Georges
Brassens. Le sexisme, dénoncé par
des féministes, ne fait pas un pli
chez le poète »…. Cet
acharnement nous montre que Brassens
ne peut pas être dépassé s’il
suscite encore ce genre d’attaques.
Brassens a croisé ma vie il ya plus de soixante ans. Je suis né en
Tunisie, où j’ai vécu dix-huit ans,
et j’y ai découvert Brassens dans la
première moitié des années 1950. Il
critiquait ou ridiculisait tout ce
que je détestais : l’armée, les
bien-pensants, la religion, la
police… Avec le recul, je pense à la
seconde de mes grandes découvertes,
en France cette fois-ci et au tout
début des années 1960, celle des Mythologies de Roland Barthes. Et même si
la comparaison pourrait surprendre,
je trouve que certaines des chansons
de Brassens sont des petites
mythologie « à la
Barthes », une critique sociale
féroce, une façon de décortiquer
avec le style, la manière, des
choses qui semblent aller de so et
qui sont des condensés des
idéologies quotidiennes. La société
est bavarde, elle dit beaucoup
d’elle-même dans les signes qu’elle
émet. Et Le bistrot ou Les
croquants par exemple, côté
Brassens, Le bifteck et les
frites ou Dominici côté
Barthes, nous aident à lire ces
petites idéologues quotidiennes. Peut-on
être plus moderne ? Finalement,
ce qu’il y a de moderne chez lui,
c’est qu’il nous a légué les moyens de
déconstruire le prêt-à-penser, une
boîte à outils pour lutter contre la
bêtise.
Ayant écrit sa biographie, je
suis très sollicité cette année pour
des conférences, des articles. Télérama m’a encore interrogé sur lui
cette semaine. Et j’ai reçu il y a
deux jours un mail me félicitant pour
mon émission sur France Culture.
Un peu surpris, car je n’avais pas
participé à une telle émission, j’ai
fait des recherches…En fait il
s’agissait de la rediffusion d’une
émission enregistrée en
2006. Et, quinze ans après, je suis
toujours d’accord avec moi-même. Voici
le lien :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/louis-jean-calvet-ce-qui-est-frappant-chez-brassens-c-est-sa-facon-de-defiger-des-formules-figees

19
octobre: A
quelle heure
votez-vous?
Dans
une interview donnée à l’hebdomadaire L’Obs, Jean
Luc Mélenchon
a eu une curieuse formule, qui
témoigne d'une étrange conception de
la sociologie électorale. A propos de
ce qu’il appelle une « classe
moyenne supérieure » qu’il ne
définit d’ailleurs pas, il déclare en
effet :
« Il
y
a des jours ou cette classe se lève
zemmourienne, puis elle déjeune
jadotiste et se couche
mélenchoniste ».
Qu’a-t-il
voulu
dire ? Qu’il y a des gens qui,
chaque matin, sont prêts à voter
Zemmour, puis Jadot à l’heure du
déjeuner et Mélenchon le soir ?
Qu’on peut donc (ou que certains
peuvent) hésiter entre Zemmour, Jadot et Mélenchon ? Que
l’heure de la journée à une influence
sur les opinions politiques ? Que
la fraicheur du matin pousse vers
Zemmour et la fatigue du soir vers
lui ? Et quelle est cette
« classe moyenne
supérieure » aux opinions si
fluctuante ? Là,
Mélenchon est d’une grande
approximation sociologique puisqu’il
ajoute immédiatement « le centre
gauche est l’incarnation de cette
hésitation ». Le centre gauche
hésiterait donc, selon l’heure de la
journée, entre Zemmour, Jadot et
Mélenchon. L’éventail entre ces trois
choix et si large qu’on aimerait
savoir sur quelles données, quel
sondage, Mélenchon peut se fonder pour
affirmer qu’il existe une telle
versatilité dans les intentions de
vote.
Quoiqu’il
en
soit, l’avenir du candidat, qui
affirme d’ailleurs qu’il va être élu,
reposerait donc en partie sur une
question toute bête : à quelle
heure votent les gens ? Ou à
quelle heure se couchent-ils ? Et
les choses se compliquent encore plus
lorsque l’on sait que les bureaux de
vote ne ferment pas à la même heure
dans toutes les villes…
Bref,
si vous voulez avoir une idée des
opinions politiques de vos voisins,
posez-leur tout simplement cette
question : A quelle heure
votez-vous ?

14
octobre:
Mirages
Edouard
Philippe
a donc créé un nouveau parti, Horizons.
Au fait, savez-vous qu’il existe en
France plus de cinq cents partis
politiques, qui tous doivent se
débrouiller pour gratter, ici et là,
quelques subventions… Mais là n’est
pas la question. Horizons donc
est sur les rails. Mais que signifie
ce mot ? Et pourquoi
l’avoir choisi comme nom de ce nouveau
parti ? En voici trois
définitions.
Selon
de dictionnaire Littré :
« ligne circulaire, variable en
chaque lieu, où le ciel et la terre
semblent se joindre »
Selon
le dictionnaire Larousse :
« ligne imaginaire circulaire
dont l’observateur est le centre et où
le ciel et la terre (ou la mer)
semblent se confondre »
Selon
le Petit Robert « limite
circulaire de la vue, pour un
observateur qui en est le
centre »
Une
ligne circulaire donc, imaginaire et
dépendant de l’observateur qui se
trouve en son centre. Ajoutons que
l’horizon s’éloigne sans cesse, au fur
à mesure qu’on croit s’en approcher.
Et résumons-nous : l’horizon
n’existe pas, c’est une illusion
optique, essentiellement produit par
un ego, celui d’un observateur. Autant
dire que le but d’Edouard Philippe et
de son nouveau parti sera difficile à
atteindre : les différentes
définitions ci-dessus l’assimilent à
un mirage.
Et
puisque
nous sommes dans la plaisanterie. Il
existe depuis de longues années un
feuilleton télévisé quotidien qui se
passe à Marseille. Son titre : Plus
belle
la vie. Au vu de ce qui vient
de se passer dans cette ville,
conjonction d’une inondation et d’une
grève des éboueurs, cette beauté
apparaît comme un autre mirage. A
l’heure où il est fréquent de
débaptiser, nous pourrions
l’appeler Poubelle la vile.

8
octobre:
Ministères,
appel au
peuple
Ca
y est : Un sondage vient de
donner Eric Zemmour comme dépassant
Marine Le Pen et accédant au second
tour de l’élection présidentielle.
Nous sommes d’accord, des sondages
effectués six mois avant une élection,
alors que ni Macron ni Zemmour ne sont
officiellement candidat, n’a aucun
sens. Mais sait-on jamais…
Alors
je vous propose d’aider ce pauvre
Zemmour, car si certains soulignent
qu’il n’a pas vraiment de programme,
personne ne se demande comment il
pourrait constituer un gouvernement.
Alors je fais appel à votre
imagination. Il s’agit à la fois de
trouver qui pourrait occuper des
ministères classiques mais aussi
d’imaginer de nouveaux
ministères et leurs titulaires. Je
commence, mais je compte sur votre
collaboration pour compléter le
tableau.
Donc,
je verrais bien Didier Raoult ministre
de la santé (mais on pourrait aussi
penser à Bolsonaro, s’il est au
chômage d’ici quelques mois), Michel
Onfray à la culture. Mais il faut
aussi penser à intégrer Eric
Ciotti : député des Alpes
Maritimes, il pourrait être ministre
du troisième âge. Du côté des
nouveautés, il faudrait penser à un
ministre de la réhabilitation, chargé
de redorer l’image de Pétain,
Bonaparte ou Vercingétorix. Et
pourquoi pas un ministère des jeunes
filles ? Ici, Gabriel Matzneff
serait un bon candidat. Mais il y a
encore du boulot pour compléter cette
fine équipe. En particulier : qui
serait premier ministre ? Alors,
je compte sur vous.

7
octobre:
Sarkozy
critique
d'art... et
truqueur
d'infos
Mardi
soir,
Nicolas Sarkozy était invité à
l’émission C’à vous de la cinquième chaîne de
télévision à l’occasion de la parution
d’un livre sur ses goûts artistiques.
En matière d’art, je n’attends pas
l’avis de Sarkozy, mais je l’écoute,
pour des raisons presque
professionnelle. Il déroulait un effet
son histoire comme un discours appris
par cœur : « j’ai toujours
aimé l’art, sans art il n’y a pas de
vie… », révélant même que tout
jeune il était tombé en admiration
devant Les joueurs de cartes de
Cézanne,
précisant qu’il l’avait vu ce tableau représenté sur un
timbre-poste et qu’il avait eu l’envie
d’être le troisième à la table de jeu.
Il y a peut-être mieux que le format
timbre-poste pour admirer un tableau,
mais enfin, il nous donne la preuve
qu’il sait compter jusqu’à trois,
qu’il fait la différence entre deux et
trois, lui qui ne distingue pas entre
vingt ou quarante millions d’euros de
frais de campagne électorale.
Évidemment,
les
journalistes l’interrogent sur sa
récente condamnation. Là-aussi il
déroule un discours préparé,
impartialité, injustice,
contradiction, bref, il est innocent.
Et
l’on passe au rapport sur la
pédophilie dans l’église catholique,
Sarkozy exprime son dégoût, le
journaliste dit que le pic de ces
agressions sexuelles se situe entre
1950 et 1970, puis qu’il y a eu une
lente diminution (ce qui s’explique en
partie par la diminution du nombre de
petits séminaires) mais Sarkozy
corrige, l’air sûr de lui :
« non, c’est un peu plus
tard ». Tiens, il a déjà lu les
3.000 pages d’un rapport qui vient de
sortir ? En fait, là-aussi il
avait ses éléments de langage :
la faute à mai 68, à un passage d’un
livre de Cohn-Bendit , en 1975, à une
couverture de Libération sur
la sexualité des enfants. Bref, il
connaissait ses arguments sur le bout
des doigts. Sauf qu’il fallait, pour
les rendre plausibles, une
augmentation de la pédophilie après 1968. Alors il suffisait
d’affirmer que le journaliste, ou le
rapport s’étaient trompés sur les
dates, et que lui, Sarkozy, savait.
Cela s’appelle de la désinformation,
du truquage, ou du mensonge, au choix…

3
octobre: Il y
a appel et
appels
Pour
commencer,
une petite notation sémantique. Dans La
Provence d’hier je lis que la
grève des éboueurs a trouvé une
solution. Laquelle ? Le journal
n’en dit rien, mais il rappelle
l’origine du conflit : « le
passage aux 35 heures ».
Souvenez-vous, c’était entre 2.000 et
2.002, lorsque le gouvernement Jospin
avait fait voter une loi diminuant le
temps de travail hebdomadaire, qui
passait de 39 à 35 heures. Ne vous
indignez pas ! Les éboueurs de la
région marseillaise n’étaient pas
restés à 39 heures. En fait, ce
« passage aux 35 heures »
est un passage en sens inverse, le
point de départ n’étant pas 39 heures
mais 28.
Je
vous laisse méditer sur cette
subtilité sémantique, pour en venir à
autre chose. Nicolas Sarkozy a été
condamné à un an de prison ferme dans
ce qu’on a appelé l’affaire Bygmalion,
le truquage de ses comptes de campagne
en 2012. Et pas un petit
truquage : il avait dépassé de 20
millions d’euros la somme permise par
la loi… Quelques mois auparavant, il
avait déjà été condamné dans une autre
affaire, dite « des écoutes
téléphoniques ». Et dans quelques
mois il sera de nouveau jugé pour des
soupçons de financement illicite de sa
campagne de 2007. Nous avons donc un
ancien président de la république qui,
comme un mafieux, communiquait avec
son avocat grâce à des téléphones sous
pseudonymes, qui a doublé la somme
autorisée pour une campagne
présidentielle à l’aide de fausses
facturations (sur ces deux points il
n’y a pas de contestation) et qui a
peut-être financé une autre campagne
avec de l’argent étranger. Bien sûr,
comme un seul homme, la droite
s’indigne, exprime son soutien à
Sarkozy et accuse la justice de
partialité. Ca ne vous rappelle
rien ? La même droite, Sarkozy en
tête, défendait les Balkany,
aujourd’hui condamnés de façon
définitive pour blanchiment de fraude
fiscale. Bien sûr encore, Sarkozy est
présumé innocent puisqu’il a fait
appel pour ces deux condamnations, et
s’il est une troisième fois condamné
il fera une troisième fois appel. Ca
fait beaucoup ! Et ça ne fait pas
très chic dans un curriculum vitae.
A
propos d’appels, ça me rappelle que
Sarkozy est issu un parti (enfin de
plusieurs partis, puisqu’il a
plusieurs fois changé de nom :
UNR, UDR, RPR, UMP, PR) se réclamant
du gaullisme. Ca vous rappelle quelque
chose ? Gaullisme.. de Gaulle…
appel du 18 juin.
Mais
les appels de Sarkozy n’ont pas la
même grandeur….

28
septembre: Légitimisation
Faut-il débattre avec Zemmour ? J’ai écrit ici même (le 16
septembre) que les media déroulaient
devant lui un tapis rouge, mais les
politiques doivent-ils débattre avec
lui ? Ce qui est sûr, c’est que
Mélenchon l’a fait. Ce qui est
également sûr, c’est que quelques
semaines auparavant, ses partisans se
bouchaient le nez : « Parler
avec Zemmour ?
Pouah ! », et qu’aujourd’hui
les mêmes partisans applaudissent leur
leader de l’avoir fait. Rien de
nouveau sous le soleil du culte de la
personnalité.
Pour ma part, j’ai été frappé par le contraste sémiologique entre
les deux hommes. Si vous aviez coupé
le son (je l’ai fait quelques minutes)
vous auriez eu un spectacle
intéressant. D’un
côté Mélenchon sourcilleux, penché
sur ses notes, de nombreuses
feuilles de papier devant lui,
perdant à un moment son stylo et le
cherchant avant qu’on lui signale
qu’il était tombé sous la table, de
l’autre Zemmour souriant, les mains
dans les poches, sans aucune note,
l’air très à l’aise…
Qu’est-ce
que
ce débat a apporté ? J’ai écrit
« débat » mais plus qu’à un
débat nous avons assisté à deux
monologues, avec les mêmes tics de
langage que d’habitude (laissez-moi
parler, je ne vous ai pas interrompu,
je n’ai pas terminé…) et, parfois, un
concours de références historiques,
chacun voulant prouver qu’il était
aussi cultivé que l’autre. Par
ailleurs nous n’avons pas
appris grand-chose: Zemmour est
bien le facho raciste que nous
savions, Mélenchon est bien le vieux
un peu usé qui mène peut-être la
campagne présidentielle de trop.
Chaque
bord,
le mélenchoniste et le zemmourien,
revendiquera bien entendu que son
porte-parole a « gagné ».
Gagné quoi ? Les sondages nous
diront peut-être que la grande
perdante est Marine Le Pen, Zemmour
(mais il n’est pas encore candidat)
lui piquant des intentions de vote,
que la cote de Mélenchon est restée
stable ou que Zemmour a gagné en
visibilité. Mais il était déjà très
visible et s’il a gagné quelque chose,
c’est Mélenchon qui le lui a
offert : il l’a introduit dans la
catégorie des politiques avec lesquels
on peut discuter, intronisé dans la
fonction de candidat fréquentable. En
d’autres termes, il l’a légitimisé.

26
septembre: Le temps ne fait
rien à l'affaire...
Comme
vous
le savez sans doute, Georges Brassens
est né il y a un siècle. Sa ville
natale, Sète, est donc le lieu de
nombreuses commémorations et
rencontres. J’y suis allé la semaine
dernière pour un mini-colloque
(« le temps chez GB »), j’y
retournerai en novembre pour traiter
d’un autre thème (« GB
pourrait-il débuter
aujourd’hui ? ») et je viens
de tomber sur des textes qui, hélas,
répondent en partie à cette question.
Il s’agit de quatre articles publiés
sur le site de Médiapart avec
pour titre global « Brassens pris
aux mots ». Je ne vais pas vous
les résumer (vous pouvez aller les
lire » mais simplement vous en
donner les titres et les petits textes
mis en exergue de chacun d’entre eux.
Pour le premier (« Brassens : le dernier des
troubadours ») : «Comment Georges
Brassens (1921-1981) se tissa, de
chanson en chanson, un cocon tutélaire
et fécond un passé recomposé, un Moyen
Âge perfectionné. De là, il faisait la
nique au XXe siècle, juché sur les épaules de Paul Fort et François
Villon ».
Pour le suivant (« Les sain(t)s principes
brasséniens ») :
«L’anarchisme de Georges Brassens, évolutif,
n’eut rien d’une assignation à
résidence idéologique. Ses chansons
font figure de labyrinthe, où la piste
chrétienne mène à tout sauf à Rome.
D’où notre p’tite expédition
herméneutique ».
Pour le troisième («Les
copains d’abord ou l’abdication
politique ») : « Le temps aurait-il raison des idéaux ?
Brassens l’a du moins vécu et
chanté. S’il n’a jamais capitulé
avec l’antimilitarisme, celui-ci a
fini par justifier l’inertie
passée comme présente :
l’attentisme sous l’Occupation,
puis le désengagement
intégral ».
Enfin, pour le quatrième («Misogynie
guère à part, phallocratie
galopante ») : «Notre série s’attaque pour finir à un sacré travers :
la représentation des femmes
véhiculée par les chansons de
Georges Brassens. Le sexisme,
dénoncé par des féministes, ne
fait pas un pli chez le
poète ».
Faut-il commenter ? L’auteur s’amusant,
dans ses deux derniers textes, à citer
deux des chansons de Brassens (Les
copains d’abord et Misogynie
à part) je m’amuserai simplement
à en citer une troisième : Le
temps ne fait rien à l’affaire…L Vous
connaissez
la suite.

16
septembre: Effet Zemmour ou
effet des media?

Tout
d’abord une omission : Dans mon
billet précédent j’ai oublié de citer
la réponse d’une cliente, une
« dame » qui, alors que le
garçon lui demandait son passe, a
lancé : « Ca me fait grave
chier ! ». C’était pour ceux
qui s’intéressent aux formes
contemporaines de la langue française.
Mais
ce qui peut nous faire « grave
chier » par les temps qui
courent, c’est l’omniprésence d’Eric
Zemmour dans les media. Ira ? Ira
pas ? Tous feignent de se
questionner et le questionnent,
questionnent ses amis, l’invitent,
invitent ses amis, et du coup
déroulent devant lui un tapis rouge.
Lui lance chaque jour ou presque des
provocations) (ou des ballons
d’essai ? ): pour la peine de
mort, contre les prénoms étrangers,
contre l’immigration, contre l’Europe,
contre les musulmans… Et il profite de
la sortie prochaine de son nouveau
livre pour organiser une longue séries
de déplacements à travers la France,
campagne promotionnelle qui semble
devoir ressembler à une pré-campagne
électorale. On a d’ailleurs appris que
son livre était « déjà
réédité », alors qu’il n’était
pas encore en librairie. Bref, il fait
sa pub un peu partout et déverse des
lieux communs racistes ou antisociaux
face auxquels les journalistes font
semblant de prendre des pincettes ou
de se boucher le nez, alors qu’ils lui
facilitent la tâche. Je ne suis pas
vraiment de ceux qui applaudissent les
déclarations d’Alain Finkielkraut,
mais je l’ai entendu dire que
« Zemmour est la punition du
politiquement correct ». Et c’est
assez vrai. En effet le peut-être
futur candidat saute à pieds joints
sur des thèmes que les partis
traditionnels, Rassemblement National,
Parti Socialiste, la France Insoumise,
Parti Républicain, et même les partis
qui n’existent pas vraiment, comme la
République en marche, n’osent pas
aborder parce qu’ils n’y ont pas
réfléchi, n’ont aucune réponse ou
n’osent pas les aborder. Et Zemmour en
profite pour apporter, lui, ses
réponses, celles que Jean-Marie Le Pen
aurait apportées, les pires. Son
discours est faisandé, il pue la
rancœur, la nostalgie d’une France qui
n’existe plus.
J’oubliais :
son
nouveau livre s’intitule La France
n’a pas dit son dernier mot, et
comme il se prend pour la France, on
risque de l’entendre pendant quelques
temps proposer ses derniers maux…
Enfin, rendez-vous au 17 novembre
(oui, ce jour-là il sera entendu par
un tribunal pour des propos tenus en
2020 sur CNews, un des media de
monsieur Bolloré). Il aura d’ici-là
vendu beaucoup de livres, signé
beaucoup de dédicaces. Reste à obtenir
la signature de 500 élus, s’il veut
vraiment se présenter à l’élection
présidentielle.
12
septembre: Façons de dire

Depuis la mise en
place du passe sanitaire, ou du passe
vaccinal, comme vous voudrez, je tends
l’oreille chaque fois que je me trouve
dans un lieu où ce QR code est
nécessaire. Comment les responsables
demandent-ils ce sésame qui ouvre leur
porte ? Il y a bien sûr certaines
techniques organisationnelles : à
l’entrée des cinémas par exemple, où
une personne se tient à l’entrée, avec
sa machine à vérifier que vous pouvez
accéder au guichet de vente des
billets. Cela peut se faire « à
la muette », en silence :
aucun mot n’est nécessaire pour vous
faire comprendre qu’il faut exhiber
votre passe. Même technique dans un
bistrot dont tous les accès à une
immense terrasse sont fermés, sauf un,
où se tient la personne qui contrôle.
Tout le monde comprends.
Mais le plus souvent,
on demande le passe, et il y a alors
diverses façons de dire. Dans un
restaurant, j’ai noté une technique
simple. Le garçon accueille les
clients d’une voix suave :
« Bonjour, installez-vous, je
vais chercher la carte, le temps que
vous prépariez votre passe ».
Bien joué ! Mais, le plus
souvent, j’ai noté la même courte
phrase : « Vous avez votre
passe ? ». Ceux qui ont
lu Constantin Stanislavski (La
formation de l’acteur),
théoricien du théâtre qui a marqué
aussi bien Bertolt Brecht ou Jerzy
Grotowski que les fondateurs de
L’Actor Studio de New York, ceux qui
l’ont lu, donc, savent qu’il y a des
tas de façons de prononcer cette
phrase, de la plus rogue à la plus
aimable. La question évolue sur un
large spectre, entre l’agressivité et
le plus
grand naturel. Pour mieux étudier ces
variations, il faudrait bien sûr les
enregistrer et les étudier dans un
laboratoire, en analyser les
phonogrammes. Si cela vous intéresse,
je vous laisse le faire.
Reste la réaction des
clients. Au début, juste après le
discours de Macron du 12 juillet, j’ai
noté quelques résistances. Par exemple
cinq personnes arrivent au restaurant,
l’une d’entre elles n’a pas de passe
et les clients tentent d’argumenter.
Ou alors une personne sans passe le
prend de haut, invoque sa liberté. Là
aussi le comportement du garçon est
variable. Le plus efficace :
« Si j’ai une vérification de la
police, le patron aura une amende de
15.000 euros et je risque de perdre ma
place ». Le plus violent:
« si vous insistez, j’appelle la
police ». Mais ces incidents sont
désormais rares, comme si la majorité
des gens avait accepté cette
contrainte, ou s’était résignée à ne
pas aller au restaurant ou au bistrot.
Ah oui ! Il me
faut ajouter une dernière notation.
Hier après-midi, à la terrasse d’un
grand café sur le Cours Mirabeau, à
Aix-en-Provence, personne ne m’a rien
demandé et, pendant l’heure que j’y ai
passée, personne n’a rien demandé à
personne. Petits coquins !
Voilà, c’était une
brève sociolinguistique de
l’ordinaire.
1er
septembre: Vous êtes riche ?
Votez Worth !

Eric Woerth, ancien ministre
du budget, puis du travail, de
François Fillon, avait il y a quelques
années était soupçonné, avec Nicolas
Sarkozy, d’avoir participé au racket
de Liliane Bettencourt. Et il avait
lancé à un journaliste quelque chose
comme « Est-ce j’ai la tête de
quelqu’un qui rançonne une vieille
dame ? ». M’aurait-il posé
la question (hypothèse plus
qu’improbable) que je lui aurais
répondu en gros : vous faites
appel à une impression, à un
sentiment, en bref à rien de
rationnel, et comme je n’ai aucun
moyen rationnel ni aucune information
policière pour vous répondre, je vous
donnez donc mon impression : oui,
vous avez la tête de quelqu’un qui
pourrait rançonner une vieille dame…
Mais passons aux chose sérieuses.
Le même Woerth,
actuellement président de la
commission des finances, vient de
faire une étrange proposition :
ouvrir une réflexion sur la
possibilité de donner aux
propriétaires de résidences
secondaires la possibilité de voter
deux fois, sur leurs deux lieux de
résidence. On peut imaginer que celui
qui possède deux, trois ou quatre
résidences secondaires pourrait donc
voter trois, quatre ou cinq fois.
Voilà une idée qu’elle est
bonne ! Il y a cependant une
petite difficulté. Imaginons que je
réside à Paris (dans le 16ème arrondissement, bien sûr), que je
possède un chalet à Megève, une villa
en Corse et une autre à
Saint-Barthélemy ou à Tahiti, comme
puis-je, même avec mon jet privé,
aller voter le même jour en ces
différents lieux ? Bien sûr, il y
a la possibilités de voter par
correspondance, mais cela va me ruiner
en timbres. Je pourrais donner une
procuration aux domestiques qui
s’occupent de mes résidences. Mais ils
risquent de voter à gauche.
Woerth justifie sa
proposition de deux façons. En
expliquant tout d’abord qu’elle serait
un remède à l’abstention, ce qui est
totalement baroque. Et en ajoutant que
les propriétaires de résidences
secondaires sont les seuls à payer une
taxe d’habitation, ce qui n’est pas
tout à fait vrai, mais qu’importe. Et
il ajoute que cela permettrait de «renforcer la démocratie» en faisant
«évoluer nos modes de participation».
On croit rêver ! Certains ont
protesté, bien sûr, arguant que cela
permettrait « aux
plus riches de voter deux fois».
D’autres l’ont pris sur le mode
humoristique: «Bonne idée ça, on
pourrait aussi retirer le droit de
vote aux jeunes et aux locataires
pendant qu’on y est.» Ou ont demandé
si, avec un piscine, ça comptait
triple » ?
Pour ma part je soupçonne Woerth de lancer un ballon d’essai pour
pouvoir ensuite faire baisser les
taxes des propriétaires de résidences
secondaires, ces pauvres
gens martyrisés par le fisc, et
qui en général votent à droite.
Cela va de soi, les
multipropriétaires sont rarement
pauvres. Alors, si vous êtes riches,
votez Woerth !
Il n’est pas
candidat ? Merde alors !

27
août: Rajeunissement
Les présidents
africains ont souvent du mal à quitter
le pouvoir. Lorsque la constitution
limite le nombre de mandats, ils
changent le texte, ou passent outre et
s’imposent, ou encore trouvent de
bonnes raisons pour ne pas organiser
d’élection… La liste serait longue de
ces bienfaiteurs du peuple que les
textes constitutionnels empêchent de
poursuivre leur tâche altruiste et
qui, à contre cœur, se dévouent quand
même.
Yoweri
Muséveni n’a
pas eu ce problème. Président de
l’Ouganda depuis 1986 (trente-cinq ans
tout de même) il est atteint par la
limite d’âge : à 78 ans, il est
obligé de prendre sa retraite car la
Constitution du pays indique que les
candidats à la fonction suprême ne
doivent pas avoir plus de 74 ans. Mais
le peuple ougandais est radieux,
Alléluia ! Grâce à l’aide
du clergé, Muséveni vient d’apprendre
qu’il y avait eu une erreur dans son
acte de naissance : non pas 1943
mais 1947 . Il pourra donc de nouveau
se présenter démocratiquement aux
suffrages. Et si Dieu lui prête vie,
il pourrait, on ne sait jamais,
rajeunir encore avant la prochaine
échéance électorale.
Qui dit
mieux ? Poutine est nettement
battu dans le concours mondial des
arrangements avec la Constitution. Un
dicton populaire dit qu’on a l’âge de
ses artères, il semblerait en
l’occurrence qu’on ait plutôt l’âge de
ses magouilles.

12
août: Propos de terrasse

Dimanche
dernier,
la veille de l’entrée en vigueur du
passe vaccinal, deux hommes installés
à la terrasse de mon bistrot habituel
échangeaient. Le premier, gonflant
métaphoriquement ses muscles (ou ce
qu’il en restait) : « Moi, à
75 ans, personne ne me forcera à me
faire vacciner. Qu’ils viennent, ils
verront ! ». L’autre, à peu
près du même âge : « Chez
moi, personne n’est vacciné.
Interdit ! » Et ils finirent
en concluant : « Moi
j’attends le vaccin
Sanofi ! ». « Moi
aussi ! ». Ce nationalisme
vaccinal m’a fait sourire. Le vaccin
Sanofi (boite pharmaceutique
française), c’est un peu l’Arlésienne
du milieu médical. Nul ne sait quand
il arrivera, ou même s’il arrivera,
nul ne peut donc savoir s’il sera plus
ou moins efficace, et le patron de ce
labo a même lancé un appel ;
« N’attendez pas pour vous faire
vacciner ». Mais mes deux voisins de
bistrot eux, étaient sûr d’eux :
« Moi j’attends le vaccin
Sanofi ! »
Le
lendemain,
l’un d’entre eux vint au bistrot. La
garçon lui demanda s’il avait un
passe, non bien sûr, il n’en avait
pas, mais il obtint tout de même un
café dans un verre en carton, à
condition de ne pas s’asseoir et de le
boire dans la rue. Depuis, je ne l’ai
plus vu. Un peu plus tard un couple
s’installe. « Vous avez votre
passe ? » demande le garçon.
« Oui, bien sûr, nous arrivons de
Paris et nous avons notre passe ». Petits
sourires entendus : Ah ! Des
Parisiens ! Je ne vois pas très
bien le rapport entre le fait d’être
parisien et celui d’avoir un passe
vaccinal, mais la réaction de la
clientèle tenait à une autre forme de
nationalisme, régional celui-ci. Et
j’en ai recueilli hier une autre
manifestation. Hier un groupe parlait
de l’arrivée du footballeur argentin
Messi au Paris Saint-Germain, comme on
sait entreprise qatarie au sein de la
capitale française (et, par
parenthèses, tête de pont du
capitalisme sportif). Le PSG est la
bête noire des supporters de l’OM
(Olympique de Marseille), et tout ce
qui est bon pour ce club parisien est
évidemment honni. Commentaires,
donc : « Ils nous emmerdent,
ils ne parlent que de Messi et du
Covid ». Par « ils »,
bien sûr, il faut entendre les media.
C’est vrai, pourquoi ne parlent-ils
pas de chose plus proche des gens, le
pastis, l’OM, la pétanque ? En
attendant de parler du merveilleux
vaccin Sanofi, qui ne manquera pas de
venir et de détrôner tous ces vaccins étrangers…

6
août: La liberté des
crétins
Ceux qui ont en charge aujourd’hui la santé publique, ministres,
sous-ministres, épidémiologistes,
médecins, urgentistes, etc.,
pratiquent un remarquable autocensure
face aux anti vaccin ou anti passe
sanitaire. Il faut, disent-ils, être
pédagogue, les comprendre, leur
expliquer, les convaincre… Les
convaincre ! Les dizaines de
milliers de gens qui manifestent
chaque samedi ont, lorsqu’on les
écoute, un discours verrouillé,
cadenassé, dans lequel il est
impossible de rentrer : ils sont
imperméables au raisonnement, à
l’argumentation, ils récitent tous la
même chose. N’étant responsable de
rien, c’est-à-dire n’étant tenu à
aucune obligation de réserve, à aucune
langue de bois, je peux me permettre
d’appeler un chat un chat et un crétin
un crétin.
Et ces crétins réclament la liberté ! Quelle
liberté ? L’usage abusif de ce
mot est de plus en plus répandu :
la liberté de rouler à la vitesse que
l’on désire, la liberté de posséder
des armes à feu, la liberté de faire
des rodéo en scooter et d’emmerder les
piétons, la liberté de jeter son mégot
par la fenêtre et de déclencher un
incendie, la liberté de rouler sans
permis ? Je vous laisse compléter
cette liste…Et il serait dictatorial
ou liberticide de demander aux gens de
se faire vacciner, de se protéger et
de protéger les autres ?
Car si quelqu’un attente à la liberté de tous, c’est bien ces
crétins. Nous avons vécu des mois de
confinement, donc des mois de
privation d’une partie de notre
liberté de déplacement. Et les vaccins
nous ont tirés de cette situation,
enfin presque. Si la quatrième vague
dont on parle advenait, notre liberté
pourrait de nouveau être limitée. Par
qui ? Par ceux qui, au nom de
leur liberté, c’est-à-dire de leur
égoïsme, de leur individualisme, de
leur obscurantisme, refusent toute
solidarité.
Depuis le discours de Macron, le nombre de vaccinations augmente.
Mais ce qui augmente surtout, ce sont
les queues devant les pharmacies ou
les laboratoires de ceux qui viennent
se faire tester, gratuitement bien
sûr, avant d’aller en boite de nuit ou
dans une teuf. Et ils recommencent
chaque semaine. Au nom de leur
liberté ? Liberté chérie…. Pour
paraphraser John Kennedy Toole,
l’auteur de La conjuration des
imbéciles, nous voilà face à une
conjuration des crétins. Une infime
minorité, certes, mais dans laquelle
on trouve pourtant des membres du
personnel sanitaire, dont le rôle est
de soigner et non pas de transmettre
le virus. On y trouve aussi, et c’est
toute autre chose, des politiques qui
chevauchent ces crétins pour leurs
intérêts électoraux : Plorian
Philippot, ou encore Nicolas
Dupont-Aignan. Et d’autres, à
l’extrême gauche, qui ménagent la
chèvre et le chou, mais invoquent
aussi la liberté, encore elle. Bref,
tous ceux qui tentent de tirer mes
marrons de cette flambée de crétins.
Nous vivons une époque formidable. Et
vive la liberté !

27
juillet: Je suis un déliquant sexuel
Je suis très fier car je viens de recevoir un message personnel
de Christian Rodriguez, directeur
général de la gendarmerie nationale.
Bon, son contenu n’est pas agréable,
car cet honorable fonctionnaire et ses
services ont découvert que j’étais un
délinquant sexuel qui devait être
poursuivi pour pédopornographie et
détournement de mineur. Mais tout de
même, c’est classieux de recevoir un
mail d’un si important personnage.
Vous le lirez ci-dessous. Un petit
détail, cependant : les adresses
mail de cette administration se
terminent toutes par
@interieur.gouv.fr et celui-ci se
termine par outlook.fr. Je suppose que
si j’avais répondu, ont m’aurait
proposé de transiger pour ne pas être
poursuivi…
DIRECTION
GÉNÉRALE
DE LA GENDARMERIE NATIONALE
Je
suis Mr Christian RODRIGUEZ, directeur
général de la gendarmerie nationale.
Je vous contacte peu après une saisie
informatique de cyber-infiltration
(Autorisée, notamment en matière de
pédopornographie, site pornographique,
cyber pornographie, pour vous informer
que vous faites l'objet de plusieurs
poursuites judiciaires en vigueur :
*
LA PÉDOPORNOGRAPHIE
*
SITE PORNOGRAPHIQUE
*
CYBER PORNOGRAPHIE
*
DÉTOURNEMENT DE MINEURS
Vous êtes prié de vous faire entendre par mail en nous
écrivant vos justifications afin
qu'elles soient mises en examen et
vérifiées de sorte à évaluer les
sanctions ; cela dans un délai strict
de 72 heures. Passé ce délai, nous
nous verrons dans l'obligation de
transmettre notre rapport à Mme Maryvonne CAILLIBOTTE, substitute du procureur de la
République près le tribunal de grande
instance de Versailles et spécialiste
de cybercriminalité pour établir un
mandat d'arrêt à votre encontre, et
vous serez fiché comme délinquant
sexuel.
Votre dossier sera également transmis aux médias pour une
diffusion où votre famille, vos
proches et toute l'Europe entière
verront ce que vous faites devant
votre ordinateur.
Maintenant
vous
êtes avertis.
Cordialement,
Mr
Christian
RODRIGUEZ
Directeur
général
de la gendarmerie nationale.
---------------------------------------------------------------------------------------
DIRECTION
CENTRALE
DE LA GENDARMERIE
BRIGADE
DE
PROTECTION DES MINEURS
Adresse : 4 rue Claude-Bernard 92130 Issy-les-Moulineau

25
juillet: Communication avec un robot
La communication est peut-être l’un des liens sociaux les plus
importants. Deux êtres humains
utilisant le même code (c’est
préférable si l’on veut se comprendre)
s’écoutent, tentent de se comprendre,
discutent, soupèsent les arguments de
l’autre, cherchent des réponses ou
s’en foutent et parlent d’autre chose.
Sauf lorsque la communication est
truquée. Il est sans doute trop tôt
pour évaluer sérieusement ce que l’intelligence
artificielle apportera (ou enlèvera) à
la communication humaine, mais
quelques exemples peuvent nous aider à
y réfléchir. Je donne ci-dessous un
échange de SMS entre un ami, Philippe,
qui me les as transmis, et le service
après-vente d’Engie, le groupe
énergétique français né de la fusion
entre Suez et Gaz de France. Cette
fusion a-t-elle fait sauter quelques
neurones dans le service après-vente
de l’entreprise ? Ou a-t-elle
fait disparaître son personnel (cela
s’appelle un « plan
social », bel euphémisme),
remplacé par des machines imbéciles.
Quoi qu’il en soit, mais je vous en
laisse juge, les SMS d’Engie me
rappellent un peu les
« arguments » des
antivaccins, récitant inlassablement
le même discours sans même entendre ce
qu’on leur répond.
Premier SMS d’Engie : ENGIE vous remercie de votre
récent appel. Répondez 5 si vous êtes
très satisfait, 4 assez, 3
moyennement, 2 peu, 1 insatisfait.
Prenez bien soin de vous.
Réponse : 5
SMS d’Engie: Une note c'est bien... mais un commentaire
c'est encore mieux ! Dites-nous tout.
SMS non surtaxé
Réponse : Eh bien il y en assez des services clientèles intrusifs.
J'ai le droit d'être très satisfait
d'un service et de ne pas le faire
savoir. Maintenant on ne peut plus
rien acheter sans se faire sonder. Il
y en a ras le bol de la dictature de
la culture client.
SMS d’Engie: Sur une échelle de 0 à 10, dans quelle
mesure recommanderiez-vous ENGIE à
votre entourage ? Non surtaxé.
Réponse : Eh robot tu les lis les SMS que tu reçois ?
SMS d’Engie: La réponse doit être entre 0 et 10. 0 signifie que
vous ne recommanderiez pas du tout et
10 tout à fait. Non surtaxé
Réponse : Finalement à force de savoir si le client est satisfait
tu le rends mécontent. Et maintenant
alors que tu aurais dû avoir un 10 tu
vas écoper d'un 0.
SMS d’Engie: Nous vous remercions pour le temps que vous nous avez
accordé.

23
juillet:Le président des chiens
Comme
tout
un chacun peut s’en rendre compte en
lisant la presse ou en écoutant les
media audiovisuels, le Parti
Républicain se cherche un candidat
pour la prochaine élection
présidentielle, mais se déchire sur la
façon de le choisir : primaire,
sondage ? Les écolos se déchirent
aussi mais semblent d’accord sur le
principe d’une primaire. Dans ma
grande mansuétude, je voudrais mettre
à leur disposition à tous, pour
alimenter leurs réflexions, le conte
suivant (que j’emprunte à Henri
Gougaud).
On
raconte
que l’espèce canine décida un jour de
se donner un chef, ou un roi, ou un
président. Mais comment le
choisir ? Après des discussion
désordonnées, des conflits, des
engueulades, les batailles d’égo (les
candidats étaient nombreux) il fut
décidé de créer une commission
canine de réflexion sur le mode de
nomination d’un président canin.
Au bout d’une longue procédure, la
décision tomba : on choisirait
pour la fonction suprême le chien qui
aurait, sous la queue, la meilleure
odeur. C’était il y a longtemps, et
les canins n’ont toujours pas trouvé
le chef idéal. C’est pourquoi vous
pouvez voir partout dans le monde des
chiens qui, lorsqu’ils se rencontrent,
se sentent le cul.
J’espère
sincèrement
que les républicains tireront profit
de ma contribution désintéressée . Et
si certains se sentent offensés,
j’ajouterai que l’ironie est toujours
un pari sur l’intelligence de l’autre,
mais que l’on peut parfois perdre son
pari.

14
juillet: Macro, micro et sans cerveaux
On
se dit parfois que certains ne
réagissent qu’à la menace du fouet.
Après l’annonce faite par Macron que
la vaccination serait peut-être
obligatoire pour tous, qu’un passe
vaccinal serait nécessaire pour
accéder à divers manifestations
culturelles ou pour aller au
restaurant, et que les tests (dit de
« convenance »)
deviendraient payants, on a assisté à
deux types de réactions. D’une part,
tout le monde a pu l’entendre, les
seuls groupes politiques à l’Assemblée
Nationale à avoir considéré ces
décisions comme
« liberticides » sont le
Rassemblement Nationale et la France
Insoumise. D’autre part nous avons
appris que subitement plus de deux
millions de Français avaient pris
rendez-vous pour se faire vacciner.
Tiens donc ! Après plus de six
mois de refus la simple menace d’avoir
à payer les tests ou de se voir
refuser l’accès à certains lieux les a
soudain convaincus. La peur du
fouet ? De la fessée ?
Certes,
les
chiffres ne sont
que des chiffres. Et les statistiques
nous paraissent toujours lointaines.
Ah bon, 43% disent penser ceci et 51%
cela ? Mais nous ne connaissons
pas ces gens, et ces informations
d’ordre macroscopique nous paraissent
théoriques. Ce matin, la jeune femme
(elle doit avoir entre 30 ou 40 ans) à
qui j’achète les journaux et mon
tabac, avait mal au bras.
« Qu’est-ce qui vous
arrive ? ». « J’ai été
vaccinée hier ». « Ah
bon ! C’est à cause de… ».
« Oui, s’il faut payer les tests
quand on veut aller au restaurant ou
au théâtre… » (Par parenthèse, je
doute fort qu’elle aille au théâtre).
Et voilà qu’une information d’ordre
micro vient donner corps aux
statistiques. Ils existent bien, ceux
qui ont peur du fouet.
Conclusion ?
Ces
gens-là, appelons-les des indécis
(mais d’autres diraient des tarés, des
antivax ou des complotistes) changent
subitement d’opinion devant la menace
du fouet. Ou pour être plus précis
devant l’obligation d’avoir à payer
les tests (qui, encore par parenthèse,
coûtent plus cher aux finances
publiques que le vaccin) qu’ils se
font faire chaque fois qu’ils en ont
envie plutôt que de se faire vacciner. Ils
ne se préoccupent pas de pouvoir
attraper la maladie, ou d’être
contagieux et de risquer de la
transmettre à d’autres, ils pensent
seulement qu’ils ne veulent pas payer
des tests.
Que
disait-il,
de Gaulle ? Ah oui, « les
Français sont des veaux ».
C’était un peu exagéré. Disons que
certains français (Combien ?
Reportez-vous aux statistiques et
enquêtez ensuite autour de vous)
peuvent être des sans-cerveaux et
devenir des fléaux. Tiens ! Je ne
l’ai pas fait exprès, je cherchais une
rime, mais en tapant ce dernier mot je
me rends compte qu’il n’est pas
éloigné du fouet

12
juillet: Antivax
Dans
le Canard enchaîné un dessin
présentant une femme qui
déclare : « Ma mère a été
vaccinée et comme par hasard le
lendemain sa voiture est tombée en
panne et elle a perdu ses lunettes.
Alors qu’on ne vienne pas me dire que
ce vaccin est inoffensif ».
On
dit que la réalité dépasse la fiction.
Si cela est vrai, à quoi nous
attendre ?

8
juillet 2021: Galéjade
marseillaise ?
Beer, cerveja, cerveza, birra, bref la
bière. En quelque langue que vous
cherchiez, vous en trouverez toujours la
même définition : une boisson alcoolisée
obtenue par la fermentation de végétaux
comme l’orge, le riz, le manioc, la
banane, le maïs, le mil, etc. On peut
faire de la bière avec beaucoup de
choses, mais pas avec de la chloroquine.
D’ailleurs, précisons-le, la bière ne
protège pas du paludisme, au contraire
de la chloroquine, qui d’ailleurs, elle,
ne désaltère pas. Où veux-je en venir ?
A ceci. Hier, en faisant des courses
dans un supermarché, je suis tombé sur
un étalage de bouteilles sur lesquelles
s’affichait la tête de Didier Raoult. Il
s’agissait de bières, trois variétés de
bières (blanche, blonde et ambrée),
portant le doux nom de Chloroquine
Dundee. Vous avez saisi l’allusion à
Crocodile Dundee, le chasseur de
crocodiles. Il s’agit donc d’une bière,
une bière artisanale, dont la publicité
précise que le marque « reprend le
surnom donné au Professeur en Afrique,
son pays d’origine, et par le personnel
de l’IHU à Marseille », et que « le clin
d’œil au célèbre film » est un
détournement « pour la bonne cause ».
Nous voilà rassurés. On lit ailleurs
qu’il s’agit d’un « hommage à notre
célèbre défenseur national de la
chloroquine ». Bigre ! Encore une
galéjade marseillaise ? En fait cette
bière est brassée dans l’Hérault, et je
ne sais pas quelle est la part
marseillaise dans cette initiative. Mais
il est évident qu’on ne peut pas lancer
un produit avec la tête d’un quidam en
effigie sans son accord. En outre, il y
a sans doute pas mal d’argent dans cette
opération : l’étalage que j’ai vu hier
était énorme et en tête de gondole. On
connaît la politique des supermarchés en
la matière. Reste un problème
sémantique. Crocodile Dundee était un
personnage qui traquait les sauriens et
les tuait à main nue. Chloroquine
Dundee, alias Raoult, voudrait-il se
débarasser de C18H26ClN3 (c’est la formule de l’antipaludique)
qui a gravement entaché sa réputation
scientifique ?

30
juin: Chronique de la connerie
ordinaire, suite
Selon une professeure à l’Université du
Connecticut et chercheuse au CNRS, la
gastronomie française serait raciste : «
Les habitudes alimentaires sont
façonnées par les normes des classes
moyennes supérieures blanches (…) La
blanchité alimentaire renforce la
blanchité comme identité raciale
dominante » (je trouve cette citation
dans le Canard enchaîné). Comme on voit,
l’Université du Connecticut et le CNRS
sont à la pointe de la recherche !
Effectivement, les habitudes
alimentaires françaises n’ont pas été
façonnées par des paysans vietnamiens ou
chinois, des planteurs de coton
africains ou des indiens quichuas des
Andes. Je ne sais pas s’il faut le
regretter, mais je sais surtout qu’il ne
pouvait pas en être autrement. Cette
professeure et chercheuse mérite
d’évidence une promotion pour avoir
découvert le fil à couper le beurre.
Mais elle devrait poursuivre son
raisonnement jusqu’au bout en dénonçant
toutes les cuisines du monde pour leur
racisme… Elle pourrait aussi élargir son
champ de recherche. Les « classes
moyennes supérieures blanches » vont, en
France, manger du couscous dans des
restaurants maghrébins, du canard laqué
ou du riz cantonnais dans des
restaurants asiatiques, et l’on dit même
que certains vont consommer du poulet
yassa dans des restaurants africains. En
analysant ces directions de recherche
que je lui signale de façon
confraternelle, elle verrait que les
habitudes alimentaires françaises sont
non seulement racistes mais aussi
colonialistes. On dit merci qui ?

29
juin: Chronique de la connerie
ordinaire
Sans doute connaissez-vous ce poème de
Jacques Prévert : Je suis allé au marché
aux oiseaux Et j’ai acheté des oiseaux
Pour toi Mon amour Je suis allé au
marché aux fleurs Et j’ai acheté des
fleurs Pour toi, Mon amour Je suis allé
au marché à la ferraille Et j’ai acheté
des chaînes Pour toi mon amour Et puis
je suis allé au marché aux esclaves Et
je t’ai cherchée Mais je ne t’ai pas
trouvée, Mon amour. Un ami québécois
m’écrit que « le wokisme ne cesse de
faire des progrès de ce côté-ci de
l’Atlantique » et qu’on « vient de s’en
prendre à un poème de Prévert (qui comme
tout le monde sait, était raciste) ».
Une enseignante de Toronto faisant un
cours d’immersion en langue française a
envoyé à ses auditeurs le poème
ci-dessus et l’une des étudiantes a
porté plainte, au motif qu’elle a été
choquée par ce texte raciste. On cite le
soir sur une chaîne de télé le nom de
l’enseignante et l’étudiante témoigne,
mais anonymisée. L’enseignante est
suspendue, puis reçoit une sanction
disciplinaire et enfin la menace d’être
licenciée si une telle chose se
reproduisait. Vous ne rêvez pas et
pouvez d’ailleurs aller à la source et
vérifier par vous-mêmes:
https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/610281/ils-ont-ose).
Bêtise, ignorance des responsables ?
Certes. Mais la chose est beaucoup plus
grave. Il n’y a pas de différence de
nature entre une imbécile qui, voyant du
racisme dans un poème de Prévert,
parvient à faire sanctionner une
enseignante et une petite menteuse qui,
prétendant avoir assisté à un cours,
entraîne la mort du professeur
d’histoire Samuel Paty. Et guère de
différence entre tout cela et
l’inquisition. Lors du siège de Béziers,
en 1208, le chef de la croisade, Arnaud
Amaury, aurait déclaré : « Tuez-les
tous, dieu reconnaîtra les sens ». Et
nous y revoilà.

9
juin: Petite pause
Disons deux petites semaines de pause.
Nous nous retrouverons après les
élections.

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