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23
mars: Lectures
Certains
m'ont reproché de négliger
depuis quelques temps ces
rendez-vous aléatoires. Vous
aurez compris que je me suis
déplacé, et que sous
d'autres horizons j'avais
d'autres choses en tête. En
outre je suis en train de
finir un gros livre qui m'a
donné pas mal de travail. Et
l'actualité politique et
sociale en France occupe par
ailleurs pas mal de mes
réflexions. Mais, à seule
fin de rassurer ceux qui
pensent que je n'écris plus,
voici deux textes que je
viens de publier.
D'une
part, dans un dossier sur le
thème de "transmettre et
hériter" de la revue Sciences
humaines, un article,
"Comment se transmettent les
langues".
D'autres
part, dans un gros numéro
hors série de la revue L'Eléphant,
sur le thème de "Tous les
secrets de la langue
française", deux articles:
"Le français dans le monde"
et "Le français en France
depuis la loi Toubon".
Bonne
lecture, donc, et à bientôt
21
mars: Quelques notres
brésiliennes

En
1980 j’avais
travaillé tout l’été à Quito,
en Equateur et, lisant la
presse quotidienne locale, je
n’y avais vu en deux mois
qu’une fois le mot France.
C’était à propos de Françoise
Sagan qui avait révélé dans
une interview que, présidente
l’année précédente du jury du
festival de Cannes elle avait
subi de fortes pressions pour
l’attribution de la palme d’or
à je ne sais plus quel film.
Et je m’étais dit que, vue de
l’autre côté du monde, la
France pesait bien peu. Cela
incite à la modestie.
Je
viens
de passer quinze jours au
Brésil et cette fois-ci la
France est apparue deux fois
dans O Globo, le
quotidien de référence. La
première fois, le 14 mars, en
pleine page de la une, une
photo montrant des monceaux
d’ordures dans une rue de
Paris avec ce titre en forme
de jeu de mot : Cidade
luz en modo cidade lixo
(ville lumière en forme de
ville ordures) et ce
commentaire : « Montanha
de dejetos bloqueia calçada
em Paris, no oitavo dia
consecutivo de greve dos
garis, que protestam contra
a reforma previdenciara
proposta pela governo. Até
ontem havia 5,6 mil
toneladas de lixo nas rua »
Et
puis,
le 17 mars dans le même
journal, encore une photo de
rue à la une, montrant cette
fois-ci des tirs de fumigènes
sur des manifestants et ce
titre : « Protestos
contra à ‘canetada’ de
Macron pela reforma de
Previdência »
(canetada : « trait
de plume »). Et, à
l ’intérieur, une page
entière sous le titre « O
trunfo de Macron, Governo
francês usa manobra para
aprovar reforma de
Previdência sem voto dos
deputados »
(l’atout de Macron, le
gouvernement français
utilise une manœuvre
pour faire approuver la
réforme des retraites sans
vote des députés). Le même
jour, un chauffeur de taxi
après m’avoir demandé d’où
j’étais se met à rire :
« Ah, vous êtes
français ! Ils sont
fainéants chez vous ! Ils
ne veulent pas travailler
jusqu’à 64 ans. Chez nous
c ‘est jusqu’à 65. En
Italie jusqu’à 67 »….
J’avoue avoir évité la
discussion en lui disant que
je comprenais mal le
portugais.
En
revanche,
chaque jour, la presse
révélait de nouveaux détails sur
une histoire rocambolesque.
L’ancien président, Bolsonaro,
avait reçu lors d’une visite
en Arabie Saoudite des bijoux
en diamant et une montre d’une
grande valeur qu’il avait
tenté à son retour de faire
passer en douce par un
général. Les bijoux furent
saisis par la douane et,
pendant des semaines,
Bolsonaro a manœuvré en vain
de diverses façons pour
récupérer ce que la loi
Brésilienne interdit :
comme en France, les cadeaux
reçus par un président de la
république deviennent biens de
l’état.
Bref,
à
chacun ses problèmes.
L’automne commence au Brésil,
en France, que j’ai retrouvée
hier, c’est le début du
printemps. Je laisse Bolsonaro
à ses pitreries ici pour
suivre ce qui se passe . Et ce
n’est pas mal non plus. A
suivre.
26
févrieir:
Qui suis-je ? Un
ressuscité

Le
23 janvier
dernier je donnais ici la
réponse qu’un ami avait
obtenue en demandant au
logiciel d’intelligence
artificielle Chat GPT
« qui est Louis-Jean
Calvet ? ». Je vous
la remets ci-dessous :
«
Louis Jean Calvet est un
linguiste et sociolinguistique
français, né en 1923 et décédé
en 2013. Il est connu pour ses
travaux sur les langues et les
cultures d’Afrique, en
particulier sur les langues
créoles et les langues
minoritaires. Il a également
étudié les relations entre la
langue et la société, la
linguistique appliquée et la
sociolinguistique. Il est
l’auteurs de nombreux ouvrages
et articles sur ces sujets. Il
était professeur émérite de
sociolinguistique à
l’Université Paul Valery de
Montpellier ».
Je
me
suis amusé hier à poser la
même question au même
logiciel, et voici ce qu’il
m’a répondu :
« Louis-Jean
Calvet est un linguiste
français né le 9 janvier 1942
à La Valette-du-Var en France.
Il a travaillé sur plusieurs
domaines de la linguistique,
notamment la
sociolinguistique, la
psycholinguistique, la
sémiotique et la linguistique
de la parole. Il est également
connu pour ses contributions à
l'étude des variations
linguistiques et des pratiques
langagières dans les sociétés
contemporaines. Parmi ses
ouvrages les plus célèbres, on
peut citer "Les métamorphoses
de la question sociale : une
chronique du salariat", "La
sociolinguistique", "La
communication" et "La guerre
des langues et les politiques
linguistiques". Il a également
été professeur de linguistique
française à l'Université de
Provence et professeur de
linguistique à l'Université de
Neuchâtel en Suisse ».
On voit en comparant les deux textes que j’ai
rajeuni de 19 ans et que j’ai
été ressuscité, ce qui est
plutôt une bonne nouvelle. Je
ne sais pas s’il est flatteur
d’être né à « La
Valette-du-Var en France »,
mais
je préfère Bizerte en Tunisie.
En revanche on m’attribue
quatre livres dont deux ("La
communication", "Les
métamorphoses de la question
sociale : une chronique du
salariat") que je n’ai jamais écrits.
Disons qu’on ne prête qu’aux
riches… J’ai aussi changé
d’université : Exit
Montpellier, voici Neuchâtel.
Tout cela est amusant, mais ces approximations
nous disent autre chose. Les
logiciels ne pensent pas, ils
balaient en quelques dixièmes
de seconde les milliards de
données dont ils disposent et
restituent celles qui ont un
rapport avec les termes de la
question posée. Vraies ?
Fausses ? Cela dépend
bien sûr de la qualités des
données. Ne pouvant entrer
dans l’arrière-cour du
logiciel, ou soulever son
capot, je ne peux que
constater les erreurs ou les
inventions. Mais des centaines
de millions de personnes
utilisent ces type de
« sources d’information»
et les prennent pour argent
comptant, alors qu’il s’agit
plus de déformation que
d’information.
L’erreur est humaine, on le sait, mais les
logiciel n’ont rien d’humain.
Pourtant ils sont en train de
devenir des machines
à produire du contenu
invérifiable…
19
février:
Contradictions?

Dans la rubrique
« idées » de Libération
d’hier, un philosophe,
Paul Preciado, publie un texte
alambiqué que je
suis bien incapable de vous
résumer. Ce qui m’a en
revanche frappé c’est, depuis
sont titre (Iels sont
l’avenir) l’utilisation
répétée de la forme ils (pour
ils et elles) et, une
fois, de toustes (pour
tous et toutes,
bien sûr). Non pas en tant que
telle (même si je pense qu’on
ne change pas monde en
changeant les mots qui
l’expriment) mais parce que
cette utilisation me paraît
contradictoire avec ce qu’il
écrit. Il parle par
exemple du « patriarcat,
du binarisme hétérosexuel »
, du « binarisme du
genre», alors que dit-il,
partout où il va, il ne voit
« que des jeunes trans et
non binaires », ce qui
reste, statistiquement, à
démontrer, mais là n’est pas
la question. L’auteur semble
en effet se réclamer du
mouvement LGBTQIA+ qui lutte précisément contre le binarisme homme/femme, contre
une société post-genre, ce qui
est son droit. Mais l’écriture
inclusive de façon générale et
les formes iels ou toustes
que
je viens d’évoquer confortent
précisément ce binarisme. En
voulant imposer par ces
artifices d’écriture, ne se
met-on pas en pleine
contradiction, ne conforte-on
pas ce binarisme ? La
quête du politiquement correct
s’apparente décidément souvent
à la langue de bois.
Cela n’a rien à voir
(encore que…) : dans Le
journal du dimanche d’aujourd’hui
Christine
Angot encense un film de
Bernard-Henri Levy, Slava
Ukraini (qui
devrait sortir cette semaine)
et termine ainsi son
papier : Le piano
mélancolique accompagne la
voix sur le mot slava,
qui veut dire
« gloire » et qui
est la racine de
« slave ».
C’est beau, mais un
peu approximatif. Il y a en
effet deux hypothèses
étymologiques pour slave,
celle qu’utilise Angot et
celle qui le fait remonter à slovo,
en russe « mot »
(d’où slovar,
« dictionnaire »).
Cette dernière est d’ailleurs
confortée par le fait que les
Slaves appellent les Allemands
nemets, « ceux qui
ne parlent pas », les
muets.
Quoi qu’il en soit, il
demeure qu’en
latin médiéval sclavus, déformation
de slavus,
a donné le mot esclave. Comme
quoi on peut parfois faire
dire ce que l’on veut aux
étymologies. Par exemple que slava
signifie glorieux en
ukrainien et esclave en russe.
Ou l’inverse. Mais, bien
entendu, je m’amuse…
9
février: Histoire de
pigeons

Excédés
par
l’invasion de « fake
news » sur les réseaux
sociaux, desétudiants
américains ont décidé de
traiter le mal par le mal en
diffusant eux-mêmes de fausses
nouvelles. Ils utilisent tous
les éléments formels,vidéos,
discours pseudo scientifiques,
manifestations, etc.
qu’utilisent les adeptes de
Qanon, et une de leurs
trouvailles est
particulièrement
savoureuses.La voici.
Les
pigeons
n’existent pas, disent-ils.
Bien sûr cette négation
semblecontre-intuitive,
puisque nous en voyons tous
les jours. Mais nos étudiants
insistent. Les pigeons
n’existent donc pas, ou plutôt
n’existent plus. Eneffet, le
gouvernement a tué douze
millions de pigeons et les a
remplacés par des drones en
forme de pigeon. Et ces drones
ont pour fonction de
nousespionner. Vous en
doutez ? Vous avez tort
car il y en a une preuve
formelle : on ne voit
jamais de bébés pigeons !
Et là vous restezbouche bée.
C’est vrai, on ne voit jamais
de bébés pigeons…
Cette
initiative
de fausse fausse nouvelle est
d’abord réjouissante : on
rigole,on trouve que c’est
bien trouvé, que ça va
définitivement ridiculiser les
amateurs de fake news qui
iront se cacher, la queue
entre les jambes. Bravo
lesgars !
Et
puis
on s’interroge. Bien sûr,
cette blague est réjouissante
mais peut-elle convaincre
d’autres que des déjà
convaincus ? Et si l’on
peut croire que la terre est
plate, pourquoi ne pas croire
que desdrones puissent laisser
des fientes sur les parebrises
et la carrosserie des
voitures.
Bref
en
voulant convaincre des
imbéciles, on risque de les
conforter dans leur
imbécillité.Mais cette
histoire de pigeons m’a bien
fait rire.
7
février 2023: Souk
parlementaire et bal
des faux-culs

On
a
beau tenter d’analyser les
différentes propositions,
soupeser les arguments,
comparer les chiffres et les
prévisions, il n’est pas
simple d’évaluer sans œillères
idéologiques ce que la loi sur
les retraites, dont la
discussion s’est ouverte hier
à l’Assemblée Nationale, a
d’utile ou de néfaste, de
nécessaire ou d’injuste…
En
revanche
les postures que prennent les
différents participants au
débat s’apparentent à un bal
des faux-culs. Les
Républicains (le parti
« gaulliste ») prévoyaient
il y a un an dans leur
programme présidentiel l’âge
de la retraite à 65 ans. Mais
voilà qu’ils font le fine
bouche et marchandent :
64, 63 ans… On a l’impression
qu’ils
font monter les enchères,
feignant d’avoir des exigences
avant de soutenir le
gouvernement qui, de son côté,
leur accorde quelques miettes
comme s’il nourrissait des
pigeons. Tiens, des pigeons.
Les socialistes qui ont, sous
la présidence de Hollande,
fait passer cet âge de 60 à 62
ans, s’alignent à présent sur
le France insoumise de
Mélenchon : 60 ans, pas
un jour de plus. Et un
républicain, Aurélien Pradié,
exige
qu’on reprenne ses
propositions « à la
virgule près » pour qu’il
accepte de voter la réforme.
Ils sont pointilleux, ces
parlementaires !
Si
les
socialistes s’alignent sur le
France Insoumise de Mélenchon,
celle-ci joue un autre
jeu : on n’arrive pas à
compter le nombre
d’amendements qu’elle
présente, douze mille, treize
mille… Le
système
est simple. On rédige un
amendement quelconque et on
précise en
ouverture : « ce
projet (ou cette loi) ne
s’applique pas en
Guadeloupe ». Puis on
reprend le même en précisant
qu’il ne s’applique pas en
Corse, puis en Martinique, en
Guyane, en Polynésie, etc.. On
fait la même chose avec un
autre texte en précisant qu’il
ne s’applique pas aux
boulangers, aux marchands de
légumes, aux bouchers, aux
bureaux de tabac, etc. On
multiplie ainsi par dix ou
quinze le nombre de textes et
donc le temps de discussion. A
ce rythme, bien sûr, étant
donné que l’examen du texte de
loi est limité à quinze jours,
il sera impossible
d’en venir à bout.
C’est le souk parlementaire,
aux deux sens du mot souk,
un marchandage permanent d’une
part, donne-moi ceci ou cela
et je vote la loi, et d’autre
part un bordel organisé.
Tout
cela
ne donne pas une très bonne
image de la politique
parlementaire et alimentaire
le populisme. Car, pendant ce
temps, Marine Le Pen se frotte
les mains, donnant de son
parti une image de
respectabilité. Les uns
alimentent le feu ou soufflent
sur les braises mais le
Rassemblent National attend
pour un tirer les marrons.
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29
Janvier 2023: Point de vue

Le
monde
entier s’est ému de l’attentat qui a
fait sept morts
à Jérusalem Est, près d’une
synagogue, à l’image du président
américain Joe
Biden (« une attaque contre le
monde civilisé ») ou du
secrétaire général de l’ONU Antonio
Guterres ("Il
est particulièrement abject que
cette attaque se soit produite sur
un lieu de culte). Les
attentats, d’où qu’ils viennent, sont
toujours dégueulasses, et toujours
condamnables. Mais, en l’occurrence, rares
sont ceux qui rappellent que l’état
d’Israël, passe sont temps à voler des
terres au Palestiniens pour ériger ses
colonies, à affamer les habitants de
la bande de Gaza et à cracher sur la
justice et les traités. Un seul
exemple, Israël, depuis des années, ne
respecte aucune les résolutions votées
par l’ONU. Certains ont donc une
vision hémiplégique, ou ne voient que
ce qu’ils veulent voir et condamnent
la moitié des responsable.
Je
ne
vais pas exposer ici tout le dossier
de cette occupation, qui est lourd,
mais juste rappeler une chanson de
Jean Arnulf, Point de vue (1963).
En voici des extraits :
Faudrait voir à pas mélanger
Les
torchons avec les serviettes,
Le
caviar et la vache enragée,
Les
clochards avec les starlettes.
Moi,
j’dis qu’ l’hiver a pas l’ même goût
Selon
comment on le regarde.
Moi,
j’dis qu’ l’hiver a pas l’ même goût
A
Megève ou sous l’ pont de
Saint-Cloud.
Sur la
Seine, y a des bateaux-mouches
Avec
des dames en décolleté
Qui
rient très haut et font des
touches...
Et y a
aussi les suicidés.
Moi, j’
dis qu’ la Seine a pas l’ même goût
Selon
comment on la regarde.
Moi, j’
dis qu’ la Seine a pas l’ même goût
Vue par
en-dessus ou par en-dessous.
Y a des
murs où, au matin blême,
On met
en rang les entêtés.
Y a des
murs où, au matin blême,
On
assassine la Liberté.
Moi, j’
dis qu’ l’Honneur a pas l’ même goût
Selon
comment on le regarde.
Moi, j’
dis qu’ la Mort a pas l’ même goût
Vue par
en-dessus ou par en-dessous.
Allez, bon dimanche quand même.
23
Janvier 2023: Intelligence
artficielle

On
parle
beaucoup en ce moment d’IA
(Intelligence Artificielle)
et d’un logiciel
(ChatGPT) qui, à la demande, vous
fournit des renseignements, vous
rédige un texte « à la
manière de » si vous le
désirez, réalise le travail qu’on
peut vous demander au lycée ou à
l’université, etc. Je ne suis pas
encore aller voir cette
« chose », mais un ami
s’est amusé à lui demander
« qui est Louis-Jean
Calvet ? ». Voici la
réponse obtenue :
« Louis
Jean
Calvet est un linguiste et
sociolinguistique français, né en
1923 et décédé en 2013. Il est
connu pour ses travaux sur les
langues et les cultures d’Afrique,
en particulier sur les langues
créoles et les langues
minoritaires. Il a également
étudié les relations entre la
langue et la société, la
linguistique appliquée et la
sociolinguistique. Il est
l’auteurs de nombreux ouvrages et
articles sur ces sujets. Il était
professeur émérite de
sociolinguistique à l’Université
Paul Valery de Montpellier ».
L’annonce
de ma mort il y a dix ans, pour
moi qui ai fêté mes 80 ans l’an
dernier, me semble nettement
exagérée.
Ou alors je ne m’en suis
pas rendu compte. Je ne me suis
pas non plus rendu compte d’avoir
été professeur à l’université de
Montpellier, mais on dit qu’avec
l’âge la mémoire peut vous jouer
des tours.
Dois-je
remercier
ChatGPT de me faire vivre 90
ans ? Dois-je lui reprocher
de me vieillir de 19 ans ? Ou
encore dois-je reconnaître que
j’ai si peu travaillé et publié
depuis 2013 que je ne peux être
que passé outre-tombe.
Bref
l’intelligence
artificielle nous réserve parfois
des surprises.
21
Janvier 2023: Maintenance,
suite

Ça y est, tout est en place. Ma
bibiographie est à jour et vous
trouverez en page d'accueil,
différents documents (un film, un
diaporama...) issus d'un colloque
qui s'est tenu à l'Université de
Nicosie en octobre dernier.
20
Janvier 2023: Maintenance
Mon site est depuis quelques jours en
maintance, ce qui explique mon silence.
Mon ami Michel Santacroce a besoin de
quelque temps encore pour terminer ce
travail de repolinage ou de cosmétique. A
bientôt, donc.

4
Janvier
2023
: Peau
de banane

Le
système de surveillance en Chine ne se
résume pas aux millions de
caméras dans les rues. Le web est
également sous tutelle, et il y a
des mots interdits, ou du moins
des mots dont la recherche ne mène à
rien. Lorsque Google est arrivé en
Chine en 2005, son moteur de recherche
eut très vite un grand succès, mais il
s’est également très vite heurté aux
exigences de censure du pouvoir
chinois : en bref on lui
demandait de ne pas donner suite à
certaines recherches en lui
fournissant une liste de « mots
tabous ». L’entreprise se déplace
à Hong Kong en 2010 puis, en 2012,
décide d’afficher une annonce chaque
fois qu’un mot recherché est censuré
par le régime, dont voici un exemple
réel :
« We’ve observed that searching for 江in mainland Chinas may temporarly break your connection to
Google. This
interruption is outside Google’s
control ».
(« Nous
avons
observé que la recherche de 江 peut en Chine continentale
temporairement arrêter votre connexion
à Google. Cette interruption n’est pas
sous le contrôle de Google »)
En
quoi
ce caractère, 江, était-il dangereux pour le
régime chinois? Il signifie
« fleuve » et se prononce
jiang. Et alors ? Alors Jiang est
également un nom de famille, en
particulier celui de江
青
(Jiang Qing), la dernière femme de Mao
Ze Dong, et celui de 江
泽民 (Jiang Ze Min). La première,
surnommée « l’impératrice
rouge », joua un rôle
central dans la révolution
culturelle, sera condamnée à mort,
peine commuée en prison à vie, et
mourra en1991. Quant à Jiang Ze
Min, après avoir soutenu en 1989 la
répression des manifestations de Tian
An Men, il deviendra président de la
république chinoise (1993-2003), puis
sera condamné (par la justice
espagnole après les plaintes d’
associations de défense du Tibet) pour
génocide au Tibet et répression de la
secte Falun Gong, mais le mandat
d’interpellation n’aura aucune suite.
Le
résultat
de ces homonymies est qu’en cherchant
sur Google des renseignements sur le
Yanzi (长江,
Yanzi Jiang, « long fleuve), la
recherche était bloquée. Et il se
passe la même chose sur les moteurs de
recherche chinois, certains mots
menant à une page blanche. C’est par
exemple ce qui se passe si vous tapez
la la date de la répression du 4
juin 1989 à Tian An Men, liu si, (六
日,
c’est-à-dire six pour le mois de
juin et quatre pour le jour). Tout
cela au nom de réglementations
adoptées en 1997 selon
lesquelles « Aucun groupe ou
individu ne peut utiliser Internet
pour créer, répliquer, récupérer ou
transmettre les types d'informations
suivantes… »
Mais
l’écriture
chinoise, dans laquelle certains
caractères avec des sens différents
peuvent correspondre à la même
prononciation permet aux petits malins
de jouer avec la censure. Ainsi
lorsqu’il fut interdit de faire
référence au mouvement me too on
vit apparaître deux caractères, 米
兔,
le premier signifiant le riz et se
prononçant mi et le second un lapin et
se prononçant tu. Pour brouiller un
peu plus les cartes, on pouvait en
outre utiliser deux émojis, celui d’un
bol de riz et celui du lapin.
Autre
exemple,
pour parler du covid et du nombre de
gens positifs, on utilise le caractère
羊,
qui signifie « mouton » et
se prononce de la même façon et avec
le même ton, yang, que le caractère 阳 qui signifie « positif ».
Plus subtilement on peut dire
« j’ai un mouton dans le champ
ou encore utiliser un émoji de
mouton.
Mais
le
plus bel exemple est celui de 香
蕉皮, xiang jiao pi, « peau
de banane », que l’on utilise à
la place de 习
近
平,
le nom du président Xi Jinping, avec
deux possibilités plus simples,
le sigle XJP ou un émoji de peau
de banane.
C’est
beau,
lorsque le jeu sur la langue permet de
contourner la censure. Non ?
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