16
janvier 2021: Sodomisation de
diptère brachycère
On connaît le paradoxe du Crétois qui
déclarait :
« tous les Crétois sont
menteur ». Mentait-il ou
disait-il la
vérité ? A priori, puisqu’il
était crétois, il mentait et donc sa
phrase était
un mensonge, et les Crétois n’étaient
pas menteurs. Dès lors il disait la
vérité et les Crétois étaient
menteurs… On peut sortir de cette
aporie en
disant que la langue n’est pas
nécessairement faite pour dire la
vérité, et que
le problème n’a aucun intérêt, ou
qu’il s’agit
(pour tenter de l’exprimer en
termes choisis) d’une sodomisation de
diptère brachycère. Imaginons
maintenant que, sans être lui-même
journaliste,
quelqu’un déclare que tous les
journalistes sont menteurs. Fini le
paradoxe, et
cette assertion permettrait de savoir
quelle est la vérité : le
contraire
de ce
disent les journalistes.
Mais les deux affirmations (tous les Crétois
ou les journalistes sont menteurs) ont
en commun de pécher à la fois par
excès
de généralisation et par absence de
réflexion sur ce qu’est la vérité. La
première cependant, celle du Crétois,
ne disposait pas de tweeter, de face
book
ou de tout autre déversoir d’ego, et
il ne pouvait donc guère faire de mal.
Ce
qui n’est pas tout à fait le cas
aujourd’hui, et vous voyez où je veux
en venir.
Le changement de locataire de la
maison blanche qui va se produire
mercredi ne
changera sans doute pas grand-chose
aux flots d’egos, complotistes ou
autres, se
déversant sur les réseaux sociaux,
mais il
leur manquera leur principal
porte-voix. A moins qu’un autre
surgisse.
Nous pourrions cependant nous débarasser de
cette avalanche de « vérités
alternatives » ou de « fake
news »
en changeant légèrement de point de
vue. Vous vous souvenez peut-être au
moins
du titre d’un ouvrage de Pierre Bayard
publié en 2007, Comment parler des
livres qu’on n’a pas lus ? Je
voudrais pour ma part vous rappeler un
petit passage du livre (qu’il est bon
de lire) de
Victor Klemperer sur la langue du 3ème
Reich :
« On cite toujours cette phrase de
Talleyrand, selon laquelle la langue
serait là pour dissimuler les pensées
du
diplomate (ou de tout autre homme rusé
et douteux en général). Mais c’est
exactement le contraire qui est vrai.
Ce que quelqu’un veut délibérément
dissimuler, aux autres ou à soi-même,
et aussi ce qu’il porte en lui
inconsciemment, la langue le met à
jour »
Il ouvrait la voie à toutes les analyses de
contenu, analyses rigoureuses mais
moins faciles (et moins marrantes) que
les
affirmations à la Trump. Pour ma part, je ne trouve pas de chute
marrante à ce billet. Sauf que,
peut-être, je penche moi-même du côté
de la sodomisationdes diptères
brachycères.
9
janvier 2021: Fascisme rampant
aux USA. Et chez nous?
Pendant quatre ans
nous avons vu un adolescent en
surpoids, colérique, exigeant
d’obtenir immédiatement tout ce qu’il
voulait, et des adultes lui passant
tous ses caprices. Ces adultes étaient
bien sûr les parlementaires
républicains et l’adolescent colérique
et en surpoids Donald Trump.
Caricature ? Oui, mais les
caricatures, en grossissant les
traits, révèlent toujours quelque
chose de la réalité. Trump a été battu
lors qu’une élection dans laquelle son
concurrent a obtenu sept millions de
voix de plus de lui. Il a, en
conséquence, obtenu 232 grands
électeurs contre 302 pour Biden. Ses
recours ont été refusées par
différents juges, y compris ceux de la
cour suprême. Ainsi posé, le problème
serait résolu aisément par n’importe
quel élève de primaire : Biden a
été élu. Mais dans la cour de l’école,
une centaine de congressistes
républicains a continué à nier
l’évidence, à donner à l’enfant
colérique ce qu’il voulait. Comme lui,
ils affirment que la victoire lui a
été volée. Et c’est la réalité qui
devient caricature.
Ces gens dont la
fonction est de voter les lois, de les
faire appliquer, soit se foutent de la
constitution comme de leur première
sucette et ne pensent qu’à leur
réélection, qu’à plaire à leurs
électeurs, soit croient réellement aux
théories complotistes, à une puissance
occulte, marxiste et pédophile, qui
dirigerait en sous-main le pays… En
bref, ils reprennent les délires de
l’adolescent colérique, et l’on se
demande s’il y a des adultes dans les
salles du Congrès. Pendant ce temps
l’adolescent colérique joue toujours
de la menace, sur le mode « t’ar
ta gueule à la récré », et ils
s’écrasent, pensant toujours qu’il
risque de ruiner leur carrière
politique s’ils s’opposent à ses
caprices.
Et puis les choses
changent de genre. Dans sa cour de
récréations, Trump a donc mobilisé ses
troupes, les appelant à marcher sur le
Capitole. En voyant ces images, on a
d’abord des souvenirs scolaires, la
marche sur Rome des partisans de
Mussolini en octobre 1922, la marche
sur l’assemblée nationale de l’extrême
droite française, en février 1934, des
souvenirs du passé. Et l’on se dit que
tout cela est loin, loin dans le temps
et loin dans l’espace. C’est loin,
Mussolini, c’est loin Washington.
Loin, vraiment ?
Le spectacle cette
horde à la fois folklorique et
fascisante enfonçant les portes du
Pentagone, brisant des vitres,
menaçant des congressistes, n’est pas
si exotique (en son sens
premier : qui vient de loin) ni
si éloigné dans le temps qu’on
pourrait le croire. Ces mouvements
antidémocratiques et ce fascisme
fascisant sont partout, y compris à
nos portes. Il n’y a pas que les
évangélistes américains qui mettent
dieu avant les lois républicaines, il
y a aussi, chez nous, les intégristes
musulmans ou catholiques. Il n’y a pas
que les proud boys américains qui
cassent à tout va, il y a aussi, chez
nous, les black blocs et certains
gilets jaunes. Le complotisme n’existe
pas qu’aux Etats-Unis, il fleurit
aussi chez nous. Sans parler de la
lâcheté et de l’arrivisme du personnel
politique, qui se portent assez bien
ches nous.
Alors, dire que ce
spectacle déshonore la démocratie
américaine, considérer comme fou
furieux celui dont nos dirigeants ont
serré chaleureusement la main, se
demander si la police américaine a
laissé faire, si elle n’aurait pas
réagi différemment dans le cas où la
horde trumpiste aurait été composée de
Noirs, tout cela n’est-il pas une
façon de ne pas balayer devant notre
porte ? Un tour de passe-passe en
quelque sorte, pour faire oublier, si
nous n’y prenons garde, que ces
dérives pourraient nous menacer nous
aussi, un jour ou l’autre.
5
janvier 2021: Peaux de bananes
Les politiques ont
l’habitude des peaux de bananes que
certains (le plus souvent, mais pas
toujours, leurs adversaires) disposent
devant eux. Et, lorsqu’ils ne
parviennent pas à les éviter, ils
s’étalent. C’est là un des ressorts du
rire, comme l’analysait il y a plus
d’un siècle le philosophe Henri
Bergson. Parmi les procédés menant au
rire, il en est certains qui
s’appliquent assez bien à la situation
actuelle du gouvernement. Bergson
parlait par exemple de la
répétition, lorsque une même
scène grotesque se produit plusieurs
fois de suite, ou encore de l’effet
boule de neige, et sa thèse
générale était que ce qui provoque le
rire est la superposition sur du
vivant d’un effet mécanique.
Revenons donc à la
peau de banane. Un homme (mais ça
fonctionne aussi avec une femme)
marche tranquillement (c’est du
vivant) quand soudain il glisse et
accomplit un mouvement qui peut faire
penser aux acrobaties d’un break
dancer mais qu’il est plus
simple de décrire en disant qu’il se
casse la gueule. La peau de banane
peut s’être trouvée là par hasard (un
chimpanzé passait par là et, après
avoir dégusté son fruit, en a jeté la
pelure) ou avoir été déposée
intentionnellement.
Mais il est un
troisième cas de figure, qu’illustrent
bien le président Macron et son
gouvernement. Prenez l’affaire Benalla
(au fait, quand passera-t-il devant
les tribunaux, Alexandre
Benalla ?) : personne n’a
transformé ce proche du président en
faux flic tabassant un manifestant. Ou
encore, personne n’a inventé un
ministre de l’intérieur, Darmanin pour
ne pas le citer, sortant inopinément
une loi dont l’article 24 a fait
beaucoup de bruit. Pas plus que de
sales gamins mal intentionnés n’ont
bricolé un discours sur l’inutilité de
masques qu’on n’avait pas, ou n’ont
imaginé un protocole de vaccination
ridicule.
Vous l’aurez compris,
le troisième procédé que j’annonçais
consiste pour quelqu’un à déposer
devant lui une peau de banane puis à
prendre son élan et à se précipiter
dessus. Patatra ! Glissade,
figure de break dance et on
se retrouve dans la boue… On peut
imaginer qu’un clown de livre
méthodiquement à cette figure, pour
faire rire bien sûr, c’est son métier.
Et on ne rirait pas si l’on ne l’avait
pas vu d’abord disposer soigneusement
son piège. Mais, en l’occurrence, il
ne s’agit pas d’un clown (enfin, pas
d’un clown professionnel), il s’agit
d’un président ou de ministres.
Beaucoup disent que l’opposition
n’existe plus aujourd’hui (et c’est
vrai qu’elle n’a pas beaucoup d’idées)
mais elle est inutile puisque le
pouvoir fournit lui-même les peaux de
bananes qui vont le ridiculiser. Bergson
n’avait pas pensé à ça, ou n’avait pas
rencontré ce cas de figure. Comme quoi
nous vivons une époque moderne… et
inventive.
2
janvier 2021: conseils
sanitaires
Tout
d'abord, bonne année à tous.
J’ai
récemment
entendu à la radio que la canicule
de 2003 avait tué 20% de plus de
femmes que d’hommes. Mon sang n’a
fait qu’un tour : quoi, la
canicule aussi serait
machiste ! Je suis tout d’abord
allé vérifier les chiffres. Il y a
eu, en août 2003, 15.000 décès en
excès (c’est-à-dire 15.000 de plus
que les années précédentes à la même
période), 87% d’entre eux avaient
plus de 70 ans et 65% étaient des
femmes. Je me suis alors dit que les
femmes vivaient plus longtemps que
les hommes et, là aussi, je suis
allé vérifier les chiffres
(rassurez-vous, je ne me suis pas
beaucoup fatigué, j’ai cherché les
statistiques officielles). Le petit
tableau ci-dessous, concernant la
population française par sexe au 1er
janvier 2020, confirme encore cette
information :
Age
|
Nombre d’hommes
|
de femmes
|
95 ans
90 ans
85 ans
80 ans
60 ans
50 ans
40 ans
30 ans
20 ans
10 ans
1 an
|
16.359
57.533
122.243
173.240
407.015
439.368
405.284
385.549
398.800
428.212
365.656
|
53.442
128.482
202.703
234.771
438.821
449.572
425.335
408.207
379.795
408.308
350.503
|
On
On voit qu’il y a davantage de
garçon que de filles à la naissance,
que la mortalité précoce des hommes
rétablit la parité autour de 40 ans,
et que plus on s’avance vers les
âges avancés et plus la proportion
s’inverse (l’espérance de vie est de
85 ans en moyenne pour les femmes
contre 80 pour les hommes).
Revenons
donc
à la canicule. Les chiffres
ci-dessus ne suffisent pas à
expliquer la surmortalité des
femmes. A 80 ans par exemple, les
femmes représentent 57% de la
population. Mais une analyse plus
poussée nous montre que cette
canicule a surtout frappé des
personnes isolées. Or les femmes
âgées vivent souvent seules (ce qui
est normal : les hommes meurent
avant). C’est donc les femmes âgées
et seules qui furent les
premières victimes.
Tout
ceci
me mène à la pandémie que nous
vivons actuellement et à quelques
conseils sanitaires aux messieurs
qui souhaiteraient échapper au
coronavirus. Pour peu que vous
lisiez parfois les journaux ou
écoutiez un peu les media
audiovisuels vous connaissez les
gestes barrières, inutile d’y
revenir. Vous savez aussi qu’il est
déconseillé d’aller danser toute à
nuit au milieu d’un millier de
personnes. Par ailleurs, il est
difficile de rajeunir. La seule
solution est donc de changer de
sexe. Renseignez-vous, il y a de
bons chirurgiens. Mais devenir
femmes ne suffit pas, il vous faut
aussi vivre en couple. Or plus vous
vieillissez moins vous trouverez
d’hommes (surtout si beaucoup
d’entre eux ont suivi mon conseil et
sont devenus femmes). Donc, pour ne
pas vivre seules (oui, je passe au
féminin), vivez avec une femme.
Après avoir changé de genre, changez
de sexualité. And fuck the virus…
xxx
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